🦨 Un Tirailleur En Enfer Résumé De Chaque Chapitre

2.1 La Banque nationale du Rwanda, trésor de guerre des organisateurs du génocide, a pu tirer des sommes importantes sur la Banque de France et la BNP Paris : 2 737 119,65 FF en six prélè­vements du 30 juin au 1er août pour la Banque de France, 30 488 140,35 FF en sept prélèvements du 14 au 23 juin 1994 pour la BNP ; la CEC se demande comment la Banque de Lesdeux généraux avaient attentivement étudié la plaine de Mont-Saint-Jean, dite aujourd’hui plaine de Waterloo. Dès l’année précédente, Wellington, avec une sagacité prévoyante, l’avait examinée comme un en-cas de grande bataille. Sur ce terrain et pour ce duel, le 18 juin, Wellington avait le bon côté, Napoléon le mauvais Dela signature du pacte germano-soviétique aux premiers élans de la Résistance, de la bataille des Flandres à Mers el-Kébir ou au Blitz de Londres, des hôtels de Vichy aux campements de fortune des " exodiens " et des prisonniers, Jean-Pierre Azéma réussit la gageure de marier, en 30 chapitres, le récit haletant de ces 500 jours qui ont défait la France avec les derniers acquis de Enreplaçant le lecteur au coeur des périodes difficiles de notre Histoire, les Romans de la Mémoire, fondés sur une information historique rigoureuse, proposés par la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de ta défense, en partenariat avec tes éditions Nathan, se veulent une contribution à son approche de la citoyenneté. Vousrédigerez une synthèse ordonnée en 300 mots des trois textes ci-dessous :Texte 1 : Voltaire, Candide, 1759.Texte 2 : Stendhal, La Chartreuse de parme, 1839.Texte 3 : Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932. Texte1 : Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une Iln'y a pas d'athées dans les trous de tirailleurs; La version « foxholes » de ce dicton existe depuis au moins 1942. Pour résumé les Autres ne sont pas l’enfer en soi, en eux-mêmes, en tant qu’autres. Les Autres ne sont l’enfer . 1/ qu’en tant que notre relation avec les autres n’est pas saine. Que nous nous laissons enfermer par eux dans une facticité à laquelle on ne Etl'on remarquera qu'un nouveau type de scolarité est à peine institué (à savoir la création en 1880 d'un secondaire féminin réservé à des jeunes filles également de la bonne bourgeoisie) que des violences éclatent au grand jour. C'est ainsi que le 1° décembre 1882, le journal conservateur « L’Abbevillois » ne manque pas de faire le compte-rendu d’une 1Pour quelle bataille, la France a-t-elle eu besoin des Africains ? La bataille de la Somme La bataille de Verdun La bataille de la Marne 2 Comment surnomme-t-on Tierno dans les tranchées ? L'invinscible pour les balles et les obus L'invaincus des champs de bataille L'invisible pour les balles et les obus 3 EurêkaVal-de-Marne. Professionnel. Afficher ou masquer le menu "Professionnel" Petite enfance. Maternelles et élémentaires . Centres de loisirs. Collèges et Lycées. Connexion. Se pré-inscrire . Identifiant. Mot de passe. Mot de passe oublié. Saut de ligne. Recherche avancée. Le niveau 1 de la médiathèque André Malraux n'est pas accessible mardi 16 et mercredi 17 août en raison des T2mn. marocagreg Admin [2383 msg envoyés ]Publié le2009-08-17 122445 Lu 53845 foisRubrique CPGE Résumé des chapitres 1-2-3 Chapitre IV, 138-173Après cinq mois d'efforts, la banque universelle n'est pas encore née. Saccard s'adresse à la princesse d'Orviedo pour l'inviter à participer à son affaire comme actionnaire, en avançant "le rêve fou de la papauté à Jérusalem" afin de titiller sa sensibilité religieuse. malgré son enthousiasme, la princesse refuse son offre en donnant un exemple éloquent de ce que Simmel affirme en évoquant la pauvreté, cette haine de l'argent perçu comme tentateur, comme incarnation du diable. La princesse ne veut pas s'écarter de son projet initial tarir la source maudite, l'argent pollué de la spéculation qui lui a été légué par son mari. Pourtant le projet religieux une quasi croisade avancé par Saccard, pousse la princesse à accepter l'établissement de la maison de crédit dans son hôtel. Ce chapitre IV est d'abord une réflexion sur la spéculation, mais introduit une description des mauvaises pratiques, des infractions à la loi commises par les gros syndicataires qui comptent faire crier la vache avant de la traire, vendre la peau de l'ours avant même de le chasser et ce sur le compte du troupeau de petits actionnaires à l'instar de la comtesse de Beauvilliers, de Dejoie qui voient dans l'affaire de Saccard une occasion pour gagner un peu plus d'argent. Mme Caroline qui n'est pas du tout dupe puisqu'elle a mis le doigt sur les infractions commises par Saccard et ses associés, exprime ses inquiétudes surtout que son frère est engagé dans le projet "cela me ferait in gros chagrin de vous voir vous engager dans des trafics louches, où il n'y a, au bout, que désastre et que tristesse... Ainsi, tenez ! puisque nous en sommes là-dessus, la spéculation, le jeu à la Bourse, eh bien ! j'en ai une terreur folle." 143C'est pour cela d'ailleurs qu'elle suggère à Saccard de se tourner vers les obligations, c'est-à-dire vers des investissements sûrs qui ne sont pas tributaires des fluctuations du marché. Mais Saccard se fait l'avocat de la spéculation et du mouvement des capitaux commerce de l'argent qu'il considère comme le sang qui alimente l'économie et permet la réalisation des grands projets, alors que les obligations et la propriété terrienne sont considérées par lui comme "de la matière morte" 144. Pour lui, le jeu la spéculation boursière est l'âme qui rend possible tous les rêves "vous partez en guerre contre le jeu, contre le jeu, Seigneur ! qui est l'âme même, le foyer, la flamme de cette géante mécanique que je rêve !" 146, mais il reconnaît aussitôt que cette danse des millions, cette quête effrénée de la fortune ne se fait pas sans victimes "il nous faut la grêle des pièces d'or, la danse des millions, si nous voulons, là-bas, accomplir les prodiges annoncés !… Ah ! dame ! je ne réponds pas de la casse, on ne remue pas le monde, sans écraser les pieds de quelques passants." 146 Il dira ensuite toujours à caroline qui était contre la nomination de son frère comme président " Vous pouvez être tranquille, la spéculation ne dévore que les maladroits" 169. Le même raisonnement sera tenue par Saccard devant la comtesse de Beauvilliers qui a osé - encouragée par la princesse d'Orviedo-, et malgré tous les préjugés de l'ancienne noblesse qui considère la terre comme la valeur sûre, s'adresser à Saccard dans l'espoir de fructifier les 20 milles francs de dot de sa fille "Mais, madame, personne ne vit plus de la terre… L'ancienne fortune domaniale est une forme caduque de la richesse, qui a cessé d'avoir sa raison d'être. Elle était la stagnation même de l'argent, dont nous avons décuplé la valeur, en le jetant dans la circulation, et par le papier-monnaie, et par les titres de toutes sortes, commerciaux et financiers." 158 Après avoir convaincu Sabatani d'être un prête-nom dans sa société complètement illégal, Saccard accueille Jantrou qui lui propose d'acheter un journal catholique l'espérance pour transformer sa ligne éditorial et en faire une arme publicitaire au service du projet. Il accueille aussi la baronne Sandorff, joueuse attirée par l'appât du gain qu'il tente de séduire, ensuite Dejoie qui veut acheter des actions pour marier sa fille de 18 ans. Saccard est séduit par cette clientèle modeste qui donne à son projet une dimension fervente, quasi religieuse, les allures d'une mission. A partir de la page 164, on commence la description des démarches administratives nécessaire à la constitution de la banque l'acte de la société signé chez le notaire, ensuite la tenue de l'assemblée générale constitutive qui détermina les membres du conseil d'administration, le directeur de la banque Saccard. La fin du chapitre contient alors un autre morceau de bravoure 170-171 où Saccard se fait le chantre de la spéculation qu'elle représente comme la flamme qui entretient l'éternel désir de lutter et de vivre. Le chapitre se termine pourtant par un signe de mauvais augure. Superstitieux, Saccard avait considéré dans le chapitre précédent que le son de l'or est bon présage, mais dans ce chapitre, l'arrivée du oiseau de malheur, de la Méchain avec son sac plein de valeurs dépréciées et de titres déclassés, ne manque pas de causer un frisson chez le nouveau banquier. Quelques passages importants du chapitre Texte 1 Le vœu de pauvretéet la haine de l'argentLesuccès lui semblait assuré, foudroyant. Son estime s'en accrutpour l'ingénieur Hamelin, qu'elle traitait avecconsidération, ayant su qu'il pratiquait. Mais elle refusanettement d'être de l'affaire, elle entendait rester fidèleau serment qu'elle avait fait de rendre ses millions auxpauvres, sans jamais plus tirer d'eux un centime d'intérêt,voulant que cet argent du jeu se perdît fût bu par la misère,comme une eau empoisonnée qui devait disparaître. L'argumentque les pauvres profiteraient de la spéculation ne la touchaitpas, l'irritait même. Non, non ! la source maudite seraittarie, elle ne s'était pas donné d'autre ne put qu'utiliser sa sympathie pour obtenird'elle une autorisation, vainement sollicitée jusque-là. Ilavait eu la pensée, dès que la Banque universelle serait fondée,de l'installer dans l'hôtel même ; ou du moins c'étaitMme Caroline qui lui avait soufflé cette idée, car, lui,voyait plus grand, aurait voulu tout de suite un palais. On secontenterait de vitrer la cour, pour servir de hall central ;on aménagerait en bureaux tout le rez-de-chaussée, les écuries,les remises ; au premier étage, il donnerait son salon quideviendrait la salle du conseil, sa salle à manger et six autrespièces dont on ferait des bureaux encore, ne garderait qu'unechambre à coucher et un cabinet de toilette, quitte à vivre enhaut avec les Hamelin, mangeant, passant les soirées chez eux ;de sorte qu'à peu de frais on installerait la banque d'unefaçon un peu étroite mais fort sérieuse. La princesse, commepropriétaire, avait d'abord refusé, dans sa haine de touttrafic d'argent jamais son toit n'abriterait cetteabomination. Puis, ce jour-là, mettant la religion dansl'affaire, émue de la grandeur du but, elle consentit. C'étaitune concession extrême, elle se sentait prise d'un petitfrisson, lorsqu'elle songeait à cette machine infernale d'unemaison de crédit, d'une maison de Bourse et d'agio, dont ellelaissait ainsi établir sous elle les rouages de ruine et de 2 chantre de laspéculation Desobligations, des obligations ! mais jamais !… Quevoulez-vous fiche avec des obligations ? C'est de lamatière morte… Comprenez donc que la spéculation, le jeu estle rouage central, le cœur même, dans une vaste affaire comme lanôtre. Oui ! il appelle le sang, il le prend partout parpetits ruisseaux, l'amasse, le renvoie en fleuves dans tous lessens, établit une énorme circulation d'argent, qui est la viemême des grandes affaires. Sans lui, les grands mouvements decapitaux, les grands travaux civilisateurs qui en résultent, sontradicalement impossibles… C'est comme pour les sociétésanonymes, a-t-on assez crié contre elles, a-t-on assez répétéqu'elles étaient des tripots et des coupe-gorge. La véritéest que, sans elles, nous n'aurions ni les chemins de fer, niaucune des énormes entreprises modernes, qui ont renouvelé lemonde ; car pas une fortune n'aurait suffi à les mener àbien, de même que pas un individu, ni même un grouped'individus, n'aurait voulu en courir les risques. Lesrisques, tout est là, et la grandeur du but aussi. Il faut unprojet vaste, dont l'ampleur saisisse l'imagination ; ilfaut l'espoir d'un gain considérable, d'un coup de loteriequi décuple la mise de fonds, quand elle ne l'emporte pas ;et alors les passions s'allument, la vie afflue, chacun apporteson argent, vous pouvez repétrir la terre. Quel mal voyez-vouslà ? Les risques courus sont volontaires, répartis sur unnombre infini de personnes, inégaux et limités selon la fortuneet l'audace de chacun. On perd, mais on gagne, on espère un bonnuméro, mais on doit s'attendre toujours à en tirer unmauvais, et l'humanité n'a pas de rêve plus entêté ni plusardent, tenter le hasard, obtenir tout de son caprice, être roi,être dieu ! »Zola,l'argent, 3 rêves de spéculateur– Ehbien, sans la spéculation, on ne ferait pas d'affaires, machère amie… Pourquoi diable voulez-vous que je sorte monargent, que je risque ma fortune, si vous ne me promettez pas unejouissance extraordinaire, un brusque bonheur qui m'ouvre leciel ?… Avec la rémunération légitime et médiocre dutravail, le sage équilibre des transactions quotidiennes, c'estun désert d'une platitude extrême que l'existence, un maraisoù toutes les forces dorment et croupissent ; tandis que,violemment, faites flamber un rêve à l'horizon, promettezqu'avec un sou on en gagnera cent, offrez à tous ces endormisde se mettre à la chasse de l'impossible, des millions conquisen deux heures, au milieu des plus effroyables casse-cou ; etla course commence, les énergies sont décuplées, la bousculadeest telle, que, tout en suant uniquement pour leur plaisir, lesgens arrivent parfois à faire des enfants, je veux dire deschoses vivantes, grandes et belles… Ah ! dame ! il y abeaucoup de saletés inutiles, mais certainement le monde finiraitsans elles. »Mme Carolines'était décidée à rire, elle aussi ; car elle n'avaitpoint de pruderie. Alors,dit-elle, votre conclusion est qu'il faut s'y résigner,puisque cela est dans le plan de la nature… Vous avez raison, lavie n'est pas propre. »Etune véritable bravoure lui était venue, à cette idée quechaque pas en avant s'était fait dans le sang et la boue. Ilfallait vouloir. Le long des murs, ses yeux n'avaient pas quittéles plans et les dessins, et l'avenir s'évoquait, des ports,des canaux, des routes, des chemins de fer, des campagnes auxfermes immenses et outillées comme des usines, des villesnouvelles, saines, intelligentes, où l'on vivait très vieux ettrès Sujets similairesL'argent - zola - résumé chapitres 7-8-9L'argent - zola - résumé chapitres1-2-3L'argent - zola - résumé chapitres 10-11-12Simmel - la philosophie de l'argent - résuméRésumé complet de l'argent de zolaDerniers articles sur le forum Réponse N°11 1648 Chapitre V marocagregAdminle 2009-08-18 142656 Le gros de ce chapitre nous déplace vers une intrigue parallèle Busch et la Méchain passent à l'assaut et comptent bien profiter de la nouvelle ascension de Saccard pour en tirer profit. Les deux corbeaux de la Bourse avaient découvert dès le chapitre I que Saccard est le père d'un fils naturel Victor dont il ne soupçonne même pas l'existence. La Méchain avait élevé le garnement après la mort de sa cousine Rosalie qui en est la Méchain et Busch avaient également mis la main sur les billets que Saccard avait signés au nom de Sicardot, le nom de sa femme morte en guise de dédommagement ; des billets et qu'il n'a pas finalement honorés puisqu'il s'est et La Méchain avaient attendu que la situation financière de Saccard s'améliore pour lui révéler l'existence de son fils naturel et exiger de lui un remboursement des billets et des autres charges, sachant bien que Saccard, en tant que veuf, n'a pas vraiment à craindre un scandale. Busch s'adresse alors à Mme Caroline pour lui révéler toute l'affaire. Pour s'assurer des dires de Busch, Caroline se déplace alors vers le bidonville de Naples dont la Méchain est la propriétaire c'est l'occasion de présenter aux lecteurs l'autre visage de Paris et du Second Empire, à travers la description de la misère affreuse qui sévit dans ce cloaque, et à travers la mise en scène des laissés pour compte de la société voir 186-188. Face aux projets pharaoniques de la Bourse et de la banque universelle où se brassent des milliards, le bidonville nous donne à voir "l'abjection humaine dans l'absolu dénuement." 188. Ce dénuement n'est pas seulement financier, mais il déteint aussi lourdement sur la morale le bidonville est non seulement un gros tas de détritus et de puanteur, il est aussi le lieu où sévit le vice et la débauche. Le petit Victor, déjà homme à 12 ans, couche avec la scrofuleuse et grosse Eulalie qui a dépassé la quarantaine qui ne tardera pas d'ailleurs à rendre à l'âme alors que Victor couche entre ses bras. Ce chapitre établit non seulement une comparaison entre le beau Paris des affaires et la banlieue misérable de la cité où vivotent les marginaux, mais on a droit aussi à une comparaison entre le luxe où vit Maxime et la misère où se meut Victor "Était-ce possible que l'existence, si dure à l'enfant de hasard, là-bas, dans le cloaque de la cité de Naples, se fût montrée si prodigue, pour celui-ci, au milieu de cette savante richesse ? Tant de saletés ignobles, la faim et l'ordure inévitable d'un côté, et de l'autre une telle recherche de l'exquis, l'abondance, la vie belle !" 193-194 Les deux fils de Saccard sont en quelque sorte les deux visages contradictoires de la même société, du même Empire, mais aussi le signe d'une instabilité du sort à l'image du destin de Saccard lui-même qui passe de la richesse la plus prodigue à la misère la plus affreuse et vice-versa. Chez les deux fils, on découvre quand même la même voracité propre à leur race, les mêmes passions, le même désir de croquer la vie à grandes dents sans faire trop d'efforts Saccard compte sur la spéculation pour y arriver, Maxime se contente de dévorer tranquillement l'héritage de sa femme morte. Victor ne déroge pas à la règle "de sa face d'enfant mûri trop vite, ne sortaient que les appétits exaspérés de sa race, une hâte, une violence à jouir, aggravées par le terreau de misère et d'exemples abominables dans lequel il avait grandi." 197 Caroline qui a décidé de cacher momentanément son existence à saccard, avait payé deux milles francs à la Méchain en attendant de payer le reste 4000 francs pour pouvoir libérer l'enfant du bidonville maudit et le loger à l'Oeuvre du Travail, dans l'espoir de le décrasser et d'atténuer les vices qu'il a acquis dès sa naissance sa mère, débauchée par nécessité, lui a donné le mauvais exemple. Mais l'attitude de Victor montre d'emblée la nature du personnage, l'influence des gènes. Lorsque Caroline lui parle de la nécessité d'apprendre un métier comme tous les locataires de l'orphelinat, sa nature de loup remonte à la surface "Il ne répondit pas, et ses yeux de jeune loup ne jetèrent plus sur ce luxe étalé, prodigué, que des regards obliques de bandit envieux avoir tout ça, mais sans rien faire ; le conquérir, s'en repaître, à la force des ongles et des dents. Dès lors, il ne fut plus là qu'en révolté, qu'en prisonnier qui rêve de vol et d'évasion." 198. Toute cette histoire a introduit des doutes dans l'âme de Caroline vis-à-vis de Saccard, mais elle va rapidement les dépasser puisqu'elle reconnaît aussi les aspects lumineux du personnage qui capable du meilleur comme du pire. Elle n'hésite pas alors à entretenir une relation quasi conjugale avec lui surtout que son frère est parti depuis des mois en Orient pour conclure des affaires au nom de la banque universelle.A la fin du chapitre, on revient donc à cette affaire de la maison de crédit, aux tracas qu'elle rencontre à ses débuts. Saccard a décidé d'augmenter le capital de la société en le doublant. Hamelin est revenu de l'orient pour présider l'assemblée et pour annoncer les gros projets qui sont sur le point d'être lancés ce qui justifie la nécessité de donner à la banque des moyens supplémentaires à la mesure des investissements qu'elle compte faire. En attendant les actions de la banque continuent à grimper dans la Bourse, à alimenter les désirs "Le terrain était préparé, le terreau impérial, fait de débris en fermentation, chauffé des appétits exaspérés, extrêmement favorable à une de ces poussées folles de la spéculation" 214 Quelques passages importants de ce chapitres Texte 1 La descente aux enfers l'autre visage de ParisLecœur serré, Mme Caroline examinait la cour, un terrainravagé, creusé de fondrières, que les ordures accumuléestransformaient en un cloaque. On jetait tout là, il n'y avaitni fosse ni puisard, c'était un fumier sans cesse accru,empoisonnant l'air ; et heureusement qu'il faisait froid,car la peste s'en dégageait, sous les grands soleils. D'unpied inquiet, elle cherchait à éviter les débris de légumes etles os, en promenant ses regards aux deux bords, sur leshabitations, des sortes de tanières sans nom, des rez-de-chausséeeffondrés à demi, masures en ruine consolidées avec lesmatériaux les plus hétéroclites. Plusieurs étaient simplementcouvertes de papier goudronné. Beaucoup n'avaient pas de porte,laissaient entrevoir des trous noirs de cave, d'où sortait unehaleine nauséabonde de misère. Des familles de huit et dixpersonnes s'entassaient dans ces charniers, sans même avoir unlit souvent, les hommes, les femmes, les enfants se pourrissantles uns les autres, comme les fruits gâtés, livrés dès lapetite enfance à l'instinctive luxure par la plus monstrueusedes promiscuités. Aussi des bandes de mioches, hâves, chétifs,mangés de la scrofule et de la syphilis héréditaires,emplissaient-elles sans cesse la cour, pauvres êtres poussés surce fumier ainsi que des champignons véreux, dans le hasard d'uneétreinte, sans qu'on sût au juste quel pouvait être le épidémie de fièvre typhoïde ou de variolesoufflait, elle balayait d'un coup au cimetière la moitié dela cité. Jevous expliquais donc, Madame, reprit la Méchain, que Victor n'apas eu de trop bons exemples sous les yeux, et qu'il seraittemps de songer à son éducation, car le voilà qui achève sesdouze ans… Du vivant de sa mère, n'est-ce pas ? ilvoyait des choses pas très convenables, attendu qu'elle ne segênait guère, quand elle était soûle. Elle amenait les hommes,et tout ça se passait devant lui… Ensuite, moi, je n'aijamais eu le temps de le surveiller d'assez près, à cause demes affaires dans Paris. Il courait toute la journée sur lesfortifications. Deux fois, j'ai dû aller le réclamer, parcequ'il avait volé, oh ! des bêtises seulement. Et puis,dès qu'il a pu, ç'a été avec les petites filles, tant sapauvre mère lui en avait montré. Avec ça, vous allez le voir, àdouze ans, c'est déjà un homme. Enfin, pour qu'il travailleun peu, je l'ai donné à la mère Eulalie, une femme qui vend àMontmartre des légumes au panier. Il l'accompagne à la Halle,il lui porte un de ses paniers. Le malheur est qu'en ce momentelle a des abcès à la cuisse… Mais nous y voici, madame,veuillez entrer. »Mme Carolineeut un mouvement de recul. C'était, au fond de la cour,derrière une véritable barricade d'immondices, un des trousles plus puants, une masure écrasée dans le sol, pareille à untas de gravats que des bouts de planches soutenaient. Il n'yavait pas de fenêtre. Il fallait que la porte, une ancienne portevitrée, doublée d'une feuille de zinc, restât ouverte, pourqu'on vît clair ; et le froid entrait, terrible. Dans uncoin, elle aperçut une paillasse, jetée simplement sur la terrebattue. Aucun autre meuble n'était reconnaissable, parmi lepêle-mêle de tonneaux éclatés, de treillages arrachés, decorbeilles à demi pourries, qui devaient servir de sièges et detables. Les murs suintaient, d'une humidité gluante. Unecrevasse, une fente verte dans le plafond noir, laissait couler lapluie, juste au pied de la paillasse. Et l'odeur, l'odeursurtout était affreuse, l'abjection humaine dans l' 2 Victor la race voraceDela cité de Naples à l'Oeuvre du Travail, boulevard Bineau,Mme Caroline ne put tirer que des monosyllabes de Victor,dont les yeux luisants dévoraient la route, les larges avenues,les passants et les maisons riches. Il ne savait pas écrire, àpeine lire, ayant toujours déserté l'école pour des bordéessur les fortifications ; et, de sa face d'enfant mûri tropvite, ne sortaient que les appétits exaspérés de sa race, unehâte, une violence à jouir, aggravées par le terreau de misèreet d'exemples abominables dans lequel il avait grandi. BoulevardBineau, ses yeux de jeune fauve étincelèrent davantage, lorsque,descendu de voiture, il traversa la cour centrale, que le bâtimentdes garçons et celui des filles bordaient à droite et à il avait fouillé d'un regard les vastes préaux plantésde beaux arbres, les cuisines revêtues de faïence, dont lesfenêtres ouvertes exhalaient des odeurs de viandes, lesréfectoires ornés de marbre, longs et hauts comme des nefs dechapelle, tout ce luxe royal que la princesse, s'entêtant àses restitutions, voulait donner aux pauvres. Puis, arrivé aufond, dans le corps de logis que l'administration occupait,promené de service en service pour être admis avec lesformalités d'usage, il écouta sonner ses souliers neufs lelong des immenses corridors, des larges escaliers, de cesdégagements inondés d'air et de lumière, d'une décorationde palais. Ses narines frémissaient, tout cela allait être Mme Caroline, redescendue au rez-de-chaussée pour lasignature d'une pièce, lui faisait suivre un nouveau couloir,elle l'amena devant une porte vitrée, et il put voir un atelieroù des garçons de son âge, debout devant des établis,apprenaient la sculpture sur bois. Vousvoyez, mon petit ami, dit-elle, on travaille ici parce qu'ilfaut travailler, si l'on veut être bien portant et heureux…Le soir, il y a des classes, et je compte, n'est-ce pas ?que vous serez sage, que vous étudierez bien… C'est vous quiallez décider de votre avenir, un avenir tel que vous ne l'avezjamais rêvé. »Unpli sombre avait coupé le front de Victor. Il ne répondit pas,et ses yeux de jeune loup ne jetèrent plus sur ce luxe étalé,prodigué, que des regards obliques de bandit envieux avoirtout ça, mais sans rien faire ; le conquérir, s'enrepaître, à la force des ongles et des dents. Dès lors, il nefut plus là qu'en révolté, qu'en prisonnier qui rêve devol et d' 3 jusqu'à l'explosionEt,en effet, Hamelin, ayant dû retarder son départ, assista avecsurprise à une hausse rapide des actions de l'Universelle. A laliquidation de la fin de mai, le cours de sept cents francs futdépassé. Il y avait là l'ordinaire résultat que produittoute augmentation de capital c'est le coup classique, lafaçon de cravacher le succès, de donner un temps de galop auxcours, à chaque émission nouvelle. Mais il y avait aussi laréelle importance des entreprises que la maison allait lancer ;et de grandes affiches jaunes, collées dans tout Paris, annonçantla prochaine exploitation des mines d'argent du Carmel,achevaient de troubler les têtes, y allumaient un commencement degriserie, cette passion qui devait croître et emporter touteraison. Le terrain était préparé, le terreau impérial, fait dedébris en fermentation, chauffé des appétits exaspérés,extrêmement favorable à une de ces poussées folles de laspéculation, qui, toutes les dix à quinze années, obstruent etempoisonnent la Bourse, ne laissant après elles que des ruines etdu sang. Déjà, les sociétés véreuses naissaient comme deschampignons, les grandes compagnies poussaient aux aventuresfinancières, une fièvre intense du jeu se déclarait, au milieude la prospérité bruyante du règne, tout un éclat de plaisiret de luxe, dont la prochaine Exposition promettait d'être lasplendeur finale, la menteuse apothéose de féerie. Et, dans levertige qui frappait la foule, parmi la bousculade des autresbelles affaires s'offrant sur le trottoir, l'Universelle enfinse mettait en marche, en puissante machine destinée à toutaffoler, à tout broyer, et que des mains violentes chauffaientsans mesure, jusqu'à l'explosion. Réponse N°12 1658 Chapitre VI 216-258Par marocagregAdminle 2009-08-19 232229 D'emblée, le chapitre VI nous déplace aux locaux du journal l'espérance que Saccard avait acheté pour faire la réclame à sa banque. C'est l'occasion de voir comment les sociétés manipulent l'opinion via des journaux ou des publications les feuilles de la Bourse par exemple de toutes sortes. Saccard qui s'est réservé un bureau dans le local de l'Espérance commence par un coup d'éclat contre Huret qui a publié encore une fois un article trop laudatif à l'égard du ministre Rougon. Saccard reproche à son puissant frère son refus de lui rendre la pareille, en lui divulguant par exemple quelques secrets qui l'avantageraient à la Bourse. Mais avant de représenter la discussion importante entre Saccard et Huret, le narrateur développe une histoire parallèle, celle de Jordan et de sa femme Marcelle et les tracas financiers que ce couple rencontre, notamment avec le terrible chiffonnier de la dette Busch la dette jadis contractée 300 francs a maintenant presque doublé. On apprend dans ce même chapitre que les Maugendre, parents de Marcelle, qui ont jusqu'ici refusé d'aider Jordan et leur fille, sont progressivement, eux qui étaient des gens de travail, pris au piège de la spéculation, à la fièvre du jeu boursier, perdant de plus en plus d'argent lors de chaque liquidation. L'arrivée de Huret au journal laisse libre cours à une colère de Saccard qui refuse de continuer à être le chantre d'un ministre qui ne lui rend pas la pareille. La discussion entre Saccard et Huret permet de souligner les rapports étroits et les complicités qui se tissent entre l'argent le milieu des finances et la politique. Saccard qui a jusque-là accepté que son journal encense les politiques de son frère, se retourne brusquement contre lui, en critiquant violemment ses choix et ses décisions, notamment sur le plan de la politique étrangère les rapports avec l'Italie, l'Autriche et la Prusse. Cédant à sa haine de Gundermann, il critique la complicité de Rougon avec la "juiverie" la haute banque. Il demande alors à Huret et à Jantrou de se mettre en sourdine, d'arrêter momentanément les louanges adressées au ministre pour lui faire comprendre la nécessité d'une contrepartie. En fait toute la colère de Saccard contre Huret se révèle en définitive comme un simple rôle joué et bien calculé pour faire comprendre à Huret qu'il doit faire plus d'efforts pour tirer profit de ses rapports avec le ministre. Ce coup d'éclat ne restera pas sans effet puisque Huret, conscient des bénéfices qu'il tire lui-même de la prospérité de la banque universelle, finira par rapporter en exclusivité une information essentielle à Saccard une information qu'il a dérobée au ministre, en faisant croire à Saccard que c'est son frère qui la lui a envoyée la nouvelle de la paix entre l'Autriche et l'Italie. Conscients de l'importance d'un tel scoop sur les cours de la Bourse, Saccard et Huret se mettent incontinent sur un pied de guerre pour faire un grand coup financier. La Bourse connaît depuis plusieurs jours, à cause de la guerre, une tendance baissière. Les deux personnages achètent à coups de millions toutes les actions mises en vente, en faisant attention à ne pas alerter les autres boursiers, à ne pas réveiller leurs soupçons ce faisant, ils commettent un véritable délit d'initiés la description de la séance boursière à partir de la page 248 - voir passage en bas prend alors les allures d'une véritable bataille qui débouche sur un désastre immense pour la plupart des spéculateurs, y compris Gundermann qui perd 8 millions d'un seul coup. Quant à Saccard et à ses associés, ils engrengent une somme faramineuse le premier triomphe de Caroline et son frère s'inquiètent de plus en plus à cause du train d'enfer avec lequel on fait fonctionner la banque, surtout que beaucoup d'irrégularités sont constamment commises par Saccard, notamment au moment du deuxième doublement du capital une grande quantité d'actions émises ne sont pas souscrites, la banque spécule sur ses propres actions, etc. Gundermann, le roi de l'or, qui vient d'essuyer une défaite douloureuse, prophétise lui aussi une imminente débâcle de la banque universselle "devant l'engouement qui accueillait l'Universelle, il avait pris position, en observateur convaincu que les succès trop rapides, les prospérités mensongères menaient aux pires désastres." 254 Il compte d'ailleurs initier, au moment opportun, une vente à la baisse des actions de l'Universselle pour entraîner et précipiter sa une chute a réellement eu lieu à la fin du chapitre la Baronne Sandorff qui a résisté quelque temps à Saccard cède enfin à ses avances et devient sa maîtresse, fait qui cause une douleur vive à Caroline qui découvre par hasard la trahison de Saccard et la réalité des sentiments qu'elle éprouve pour passages importants de ce chapitreTexte1 Argent et politiquemariage d'intérêt"Laissez-moi donc tranquille ! Il n'a pas pu faire autrement...Mais est-ce qu'il m'a jamais averti, la veille d'une hausse oud'une baisse, lui qui est si bien placé pour tout savoir ?Souvenez-vous ! vingt fois je vous ai chargé de le sonder, vousqui le voyez tous les jours, et vous en êtes encore à m'apporterun vrai renseignement utile... Ce ne serait pourtant pas si grave,un simple mot que vous me répéteriez. -Sans doute, mais il n'aime pas ça, il dit que ce sont destripotages dont on se repent toujours. -Allons donc ! est-ce qu'il a de ces scrupules avec Gundermann ! Ilfait de l'honnêteté avec moi, et il renseigne Gundermann. -Oh ! Gundermann, sans doute ! Ils ont tous besoin de Gundermann,ils ne pourraient pas faire un emprunt sans lui. " Ducoup, Saccard triompha violemment, tapant dans ses mains. "Nous y voilà donc, vous avouez ! L'empire est vendu aux juifs,aux sales juifs. Tout notre argent est condamné à tomber entreleurs pattes crochues. L'Universelle n'a plus qu'à crouler devantleur toute- puissance. " Etil exhala sa haine héréditaire, il reprit ses accusations contrecette race de trafiquants et d'usuriers, en marche depuis dessiècles à travers les peuples, dont ils sucent le sang, commeles parasites de la teigne et de la gale, allant quand même, sousles crachats et les coups, à la conquête certaine du monde,qu'ils posséderont un jour par la force invincible de l'or. Et ils'acharnait surtout contre Gundermann, cédant à sa rancuneancienne, au désir irréalisable et enragé de l'abattre, malgréle pressentiment que celui-là était la borne où ils'écraserait, s'il entrait jamais en lutte. Ah ! ce Gundermann !un Prussien à l'intérieur, bien qu'il fût né en France ! caril faisait évidemment des voeux pour la Prusse, il l'auraitvolontiers soutenue de son argent, peut-être même lasoutenait-il en secret ! N'avait-il pas osé dire, un soir, dansun salon, que, si jamais une guerre éclatait entre la Prusse etla France, cette dernière serait vaincue ! "J'en ai assez, comprenez-vous, Huret ! et mettez-vous bien çadans la tête c'est que, si mon frère ne me sert à rien,j'entends ne lui servir à rien non plus... Quand vous m'aurezapporté de sa part une bonne parole, je veux dire unrenseignement que nous puissions utiliser, je vous laisseraireprendre vos dithyrambes en sa faveur. Est-ce clair ? " C'étaittrop clair. Jantrou, qui retrouvait son Saccard, sous lethéoricien politique, s'était remis à peigner sa barbe du boutde ses doigts. Mais Huret, bousculé dans sa finasserie prudentede paysan normand, paraissait fort ennuyé, car il avait placé safortune sur les deux frères, et il aurait bien voulu ne se fâcherni avec l'un ni avec l'autre. "Vous avez raison, murmura-t-il, mettons une sourdine, d'autantplus qu'il faut voir venir l'événement. Et je vous promets detout faire pour obtenir les confidences du grand homme. A lapremière nouvelle qu'il m'apprend, je saute dans un fiacre et jevous l'apporte. " Déjà,ayant joué son rôle, Saccard plaisantait. "C'est pour vous tous que je travaille, mes bons amis... Moi, j'aitoujours été ruiné et j'ai toujours mangé un million par an. "Zola,L'Argent, 2 pris au piège...Depuisquelque temps, les Maugendre changeaient à l'égard de leurfille. Elle les trouvait moins tendres, préoccupés, lentementenvahis d'une passion nouvelle, le jeu. C'était la communehistoire le père, un gros homme calme et chauve, à favorisblancs, la mère, sèche, active, ayant gagné sa part de lafortune, tous deux vivant trop grassement dans leur maison, deleurs quinze mille francs de rentes, s'ennuyant à ne plus rienfaire. Lui, n'avait eu, dès lors, d'autre distraction que detoucher son argent. A cette époque, il tonnait contre toutespéculation, il haussait les épaules de colère et de pitié, enparlant des pauvres imbéciles qui se font dépouiller, dans untas de voleries aussi sottes que malpropres. Mais, vers cetemps-là, une somme importante lui étant rentrée, il avait eul'idée de l'employer en reports ça, ce n'était pas de laspéculation, c'était un simple placement ; seulement, à partirde ce jour, il avait pris l'habitude, après son premier déjeuner,de lire avec soin, dans son journal, la cote de la Bourse, poursuivre les cours. Et le mal était parti de là, la fièvrel'avait brûlé peu à peu, à voir la danse des valeurs, à vivredans cet air empoisonné du jeu, l'imagination hantée de millionsconquis en une heure, lui qui avait mis trente années à gagnerquelques centaines de mille francs. Il ne pouvait s'empêcher d'enentretenir sa femme, pendant chacun de leurs repas quels coups ilaurait faits, s'il n'avait pas juré de ne jamais jouer ! et ilexpliquait l'opération, il manoeuvrait ses fonds avec la savantetactique d'un général en chambre, il finissait toujours parbattre triomphalement les parties adverses imaginaires, car il sepiquait d'être devenu de première force dans les questions deprimes et de reports. Sa femme, inquiète, lui déclarait qu'elleaimerait mieux se noyer tout de suite, plutôt que de lui voirhasarder un sou ; mais il la rassurait, pour qui le prenait-elle ?Jamais de la vie ! Pourtant, une occasion s'était présentée,tous deux, depuis longtemps, avaient la folle envie de faireconstruire dans leur jardin, une petite serre de cinq ou six millefrancs ; si bien qu'un soir, les mains tremblantes d'une émotiondélicieuse, il avait posé, sur la table à ouvrage de sa femme,les six billets, en disant qu'il venait de gagner ça à la Bourse un coup dont il était sûr, une débauche qu'il promettait biende ne pas recommencer, qu'il avait risquée uniquement à cause dela serre. Elle, partagée entre la colère et le saisissement desa joie, n'avait point osé le gronder. Le mois suivant, il selançait dans une opération à primes, en lui expliquant qu'il necraignait rien, du moment où il limitait sa perte. Puis, quediable ! dans le tas, il y avait tout de même de bonnes affaires,il aurait été bien sot de laisser le voisin en profiter. Et,fatalement, il s'était mis à jouer à terme, petitement d'abord,s'enhardissant peu à peu, tandis qu'elle, toujours agitée parses angoisses de bonne ménagère, les yeux en flammes pourtant aumoindre gain, continuait à lui prédire qu'il mourrait sur 3 La bataille boursièreUneheure sonna, la cloche annonça l'ouverture du marché. Ce fut uneBourse mémorable, une de ces grandes journées de désastre, d'unde ces désastres à la hausse, si rares, dont le souvenir restelégendaire. Dans l'accablante chaleur, au début, les coursbaissèrent encore. Puis, des achats brusques, isolés, comme descoups de feu de tirailleurs avant que la bataille s'engage,étonnèrent. Mais les opérations restaient lourdes quand même,au milieu de la méfiance générale. Les achats se multiplièrent,s'allumèrent de toutes parts, à la coulisse, au parapet ; onn'entendait plus que les voix de Nathansohn sous la colonnade, deMazaud, de Jacoby, de Delarocque à la corbeille, criant qu'ilsprenaient toutes les valeurs, à tous les prix ; et ce fut alorsun frémissement, une houle croissante, sans que personne pourtantosât se risquer, dans le désarroi de ce revirement cours avaient légèrement monté, Saccard eut le temps dedonner de nouveaux ordres à Massias, pour Nathansohn. Il priaégalement le petit Flory qui passait en courant, de remettre àMazaud une fiche, où il le chargeait d'acheter, d'achetertoujours ; si bien que Flory, ayant lu la fiche, frappé d'unaccès de foi, joua le jeu de son grand homme, acheta lui aussipour son compte. Et ce fut à cette minute, à deux heures moinsun quart, que le tonnerre éclata en pleine Bourse l'Autrichecédait la Vénétie à l'empereur, la guerre était finie. D'oùvenait cette nouvelle ? personne ne le sut, elle sortait de toutesles bouches à la fois, des pavés eux-mêmes. Quelqu'un l'avaitapportée, tous la répétaient dans une clameur, qui grossissaitavec la voix haute d'une marée d'équinoxe. Par bonds furieux,les cours se mirent à monter, au milieu de l'effroyable le coup de cloche de la clôture, ils s'étaient relevés dequarante, de cinquante francs. Ce fut une mêlée inexprimable,une de ces batailles confuses où tous se ruent, soldats etcapitaines, pour sauver leur peau, assourdis, aveuglés, n'ayantplus la conscience nette de la situation. Les fronts ruisselaientde sueur, l'implacable soleil qui tapait sur les marches, mettaitla Bourse dans un flamboiement d'incendie. Et,à la liquidation, lorsqu'on put évaluer le désastre, il apparutimmense. Le champ de bataille restait jonché de blessés et deruines. Moser, le baissier, était parmi les plus expiait durement sa faiblesse, pour l'unique fois qu'ilavait désespéré de la hausse. Maugendre perdait cinquante millefrancs, sa première perte sérieuse. La baronne Sandorff eut àpayer de si grosses différences, que Delcambre, disait-on, serefusait à les donner ; et elle était toute blanche de colèreet de haine, au seul nom de son mari, le conseiller d'ambassade,qui avait eu la dépêche entre les mains avant Rougon lui- même,sans lui en rien dire. Mais la haute banque, la banque juive,surtout, avait essuyé une défaite terrible, un vrai massacre. Onaffirmait que Gundermann, simplement pour sa part, y laissait huitmillions. Et cela stupéfiait, comment n'avait-il pas été averti? lui le maître indiscuté du marché, dont les ministresn'étaient que les commis et qui tenait les Etats dans sasouveraine dépendance ! Il y avait là un de ces concours decirconstances extraordinaires qui font les grands coups du un effondrement imprévu, imbécile, en dehors de touteraison et de toute logique. Zola,L'Argent, 4 Fêter la victoireCepremier triomphe de Saccard sembla être comme une floraison del'empire à son apogée. Il entrait dans l'éclat du règne, il enétait un des reflets glorieux. Le soir même où il grandissaitparmi les fortunes écroulées, à l'heure où la Bourse n'étaitplus qu'un champ morne de décombres, Paris entier se pavoisait,s'illuminait, ainsi que pour une grande victoire ; et des fêtesaux Tuileries, des réjouissances dans les rues, célébraientNapoléon III maître de l'Europe si haut, si grand, que lesempereurs et les rois le choisissaient comme arbitre dans leursquerelles et lui remettaient des provinces pour qu'il en disposâtentre eux. A la Chambre, des voix avaient bien protesté, desprophètes de malheur annonçaient confusément le terribleavenir, la Prusse grandie de tout ce que la France avait toléré,l'Autriche battue, l'Italie ingrate. Mais des rires, des cris decolère étouffaient ces voix inquiètes, et Paris, centre dumonde, flambait par toutes ses avenues et tous ses monuments, aulendemain de Sadowa, en attendant les nuits noires et glacées,les nuits sans gaz, traversées par la mèche rouge des obus. Cesoir-là, Saccard, débordant de son succès, battit les rues, laplace de la Concorde, les Champs-Elysées, tous les trottoirs oùbrûlaient des lampions. Emporté dans le flot montant despromeneurs, les yeux aveuglés par cette clarté de plein jour, ilpouvait croire qu'on illuminait pour le fêter n'était-il pas,lui aussi, le vainqueur inattendu, celui qui s'élevait au milieudes désastres ? Un seul ennui venait de gâter sa joie, la colèrede Rougon, qui terrible, avait chassé Huret, quand il avaitcompris d'où venait le coup de Bourse. Ce n'était donc pas legrand homme qui s'était montré bon frère, en lui envoyant lanouvelle ? Faudrait-il qu'il se passât de ce haut patronage, mêmequ'il attaquât le tout-puissant ministre ? Brusquement, en facedu palais de la Légion d'honneur, que surmontait une gigantesquecroix de feu, brasillant dans le ciel noir, il en prit larésolution hardie, pour le jour où il se sentirait les reinsassez forts. Et, grisé par les chants de la foule et lesclaquements des drapeaux, il revint rue Saint-Lazare, au traversde Paris en 5 lesprospérités mensongèresEndécembre, le cours de mille francs fut dépassé. Et alors, enface de l'Universelle triomphante, la haute banque s'émut, onrencontra Gundermann, sur la place de la Bourse, l'air distrait,entrant acheter des bonbons chez le confiseur, de son pasautomatique. Il avait payé ses huit millions de perte sans uneplainte, sans qu'un seul de ses familiers eût surpris sur seslèvres une parole de colère et de rancune. Quand il perdaitainsi, chose rare, il disait d'ordinaire que c'était bien fait,que cela lui apprendrait à être moins étourdi ; et l'onsouriait, car l'étourderie de Gundermann ne s'imaginait cette fois, la dure leçon devait lui rester en travers ducoeur, l'idée d'avoir été battu par ce casse-cou de Saccard, cefou passionné, lui si froid, si maître des faits et des hommes,lui était assurément insupportable. Aussi, dès cette époque,se mit-il à le guetter, certain de sa revanche. Tout de suite,devant l'engouement qui accueillait l'Universelle, il avait prisposition, en observateur convaincu que les succès trop rapides,les prospérités mensongères menaient aux pires le cours de mille francs était encore raisonnable, etil attendait pour se mettre à la baisse. Sa théorie était qu'onne provoquait pas les événements à la Bourse, qu'on pouvait auplus les prévoir et en profiter, quand ils s'étaient logique seule régnait, la vérité était, en spéculationcomme ailleurs, une force toute-puissante. Dès que les courss'exagéreraient par trop, ils s'effondreraient la baisse alorsse ferait mathématiquement, il serait simplement là pour voirson calcul se réaliser et empocher son gain. Et, déjà, ilfixait au cours de quinze cents francs son entrée en guerre. Aquinze cents, il commença donc à vendre de l'Universelle, peud'abord, davantage à chaque liquidation, d'après un plan arrêtéd'avance. Pas besoin d'un syndicat de baissiers, lui seulsuffirait, les gens sages auraient la nette sensation de la véritéet joueraient son jeu. Cette Universelle bruyante, cetteUniverselle qui encombrait si rapidement le marché et qui sedressait comme une menace devant la haute banque juive, ilattendait froidement qu'elle se lézardât d'elle-même, pour lajeter par terre d'un coup d'épaule. Zola,L'Argent, 1-2-3Chapitres 7-8-9Chapitres 10-11-12confidentialite Le contexte de l’œuvre En 1921 a été créé à Paris le Comité aux héros de l’Armée noire présidé par le général Louis ARCHINARD, ancien commandant supérieur du Soudan français, assisté du général MARCHAND. Ce comité, placé sous le haut patronage du président de la République, du président du Conseil, des ministres des Affaires étrangères, de la Guerre et des Colonies, du commissaire général des Troupes noires et des maréchaux de France, avait pour mission de faire ériger en métropole et en Afrique, un monument à la mémoire des soldats indigènes morts pour la France au cours de la 1ère guerre mondiale, à l’aide des souscriptions des communes de France et des Amis des Troupes noires françaises ». Deux villes ont été rapidement retenues Reims en métropole, et Bamako capitale du Soudan français actuel Mali , sur les rives du Niger en Afrique. Édouard Daladier, ministre des Colonies, à la tribune Photographie conservée au musée Saint-Remi de Reims La description du monument de Reims réplique de celui de Bamako Le monument à l’Armée noire de Reims est l’œuvre de deux Parisiens, le sculpteur Paul MOREAU-VAUTHIER et l’architecte Auguste BLUYSEN. Il était constitué d’un socle en granit de 4 mètres de haut rapporté d’Afrique, en forme de Tata », fortin traditionnel africain, sur lequel étaient gravés les noms des principales batailles de la 1ère guerre mondiale au cours desquelles les troupes africaines ont été engagées. Ce socle était surmonté d’un bronze de trois mètres de haut représentant un groupe de soldats du corps d’armée colonial constitué de quatre tirailleurs africains rassemblés autour d’un drapeau français porté par un officier blanc. C’est un groupe de cinq combattants. Un sous-lieutenant imberbe étreint un drapeau tandis qu’à sa droite, un tirailleur en chéchia semble guetter encore l’ennemi, du côté de la Pompelle. À gauche, un autre tirailleur semble avoir été surpris au moment où il se lève pour sortir de la tranchée. Derrière, deux colosses noirs semblent dire Nous sommes là, si l’on a besoin de nous ». Un murmure d’admiration parcourt la foule, qui reconnaît le symbole du dévouement et de la fidélité de nos soldats noirs. L’Éclaireur de l’Est, 14 juillet 1924 Le monument Aux héros de l’Armée noire », érigé à Reims en témoignage de reconnaissance envers les Enfants d’adoption de la France, morts en combattant pour la Liberté et la Civilisation », était la réplique du monument inauguré le 3 janvier 1924 à Bamako. Le monument de Bamako Archives municipales et communautaires de Reims Le monument démantelé par les autorités allemandes d’occupation en septembre 1940 Pendant la 2e guerre mondiale, dès le début de l’Occupation, la statuaire de bronze a été démontée par les Allemands, embarquée sur un wagon de chemin de fer pour une destination inconnue. Elle a sans doute été fondue pour en récupérer le métal, tandis que le socle du monument était détruit. Marcel COCSET est parvenu à photographier clandestinement l’enlèvement du monument en septembre 1940, puis des membres de sa famille venus déposer des fleurs à l’emplacement du monument disparu au début du mois d’octobre 1940. En 1961, la municipalité de Reims et la délégation locale de l’Association française des coloniaux et anciens combattants d’outre-mer ont pris l’initiative de créer un Comité du Monument aux soldats d’outre-mer à Reims, déclaré en sous-préfecture le 30 mars 1961, dont la mission était de faire édifier à Reims un Monument en remplacement du Monument à l’Armée noire détruit sous l’Occupation ». Le monument de 1963, désigné sous le nom de Monument aux soldats d’Outre-mer par le Comité d’érection et qualifié de Monument à la mémoire des morts de l’Armée noire sur le décret ministériel approuvant son érection, est constitué de deux obélisques de 7 mètres de haut en pierre d’Eurville, érigés sur un bloc d’une tonne, et entouré d’un dallage de schistes de Rimogne. Les deux obélisques symbolisent l’union des combattants métropolitains et africains, et le bloc la résistance de Reims et de ses défenseurs pendant la 1ère guerre mondiale. En 2008 la Ville de Reims prenait l’initiative de reconstruire à l’identique le Monument aux héros de l’Armée noire érigée en 1924 Voici une reproduction de l’œuvre historique, par l’artiste Jean-François Gavoty, mise en place à l’automne 2013, visible aujourd’hui au parc de Champagne Le monument reconstruit aujourd’hui au parc de Champagne. Ted Yoho, un membre républicain du Congrès américain, aurait été surpris en train d’invectiver la représentante politique sur les marches du Capitole. Depuis, il a présenté ses excuses à Alexandria Ocasio-Cortez pour ces propos insultants. Mais la démocrate a balayé du revers de la main ses excuses, dans un discours prononcé le jeudi 23 juillet 2020. Je ne demandais rien à personne, je montais les marches, et Ted Yoho a agité son doigt sous mon nez, a-t-elle expliqué, le jeudi 23 juillet. Il m’a dit que j’étais dégoutante ». Il m’a dit que j’étais folle ». Avant d’ajouter Devant un journaliste, Ted Yoho m’a traitée – je cite – de put*** de sal*** ». Ce sont les termes qu’il a employés contre une femme membre du Congrès.» La démocrate a ainsi refusé les excuses du Républicain. Traiter une femme de salope est ce du sexisme à votre avis ? Est ce grave ou pas du tout ? Vous répondrez à ces deux questions en introduction . Ecoutez la formidable réponse d’ Alexandria Ocasio-Cortez à l’agression dont elle a été victime . Vous devez développer une réponse , sans reprendre ses mots et en vous aidant de la vidéo ci dessous , pour ces 2 questions Pourquoi et comment notre société doit elle lutter contre les violences verbales ordinaires contre les femmes ? POUR ALLER PLUS LOIN… Depuis le 27 novembre 2018, un nouveau service en ligne permet de discuter en direct avec un policier ou un gendarme spécialiste des violences sexistes ou sexuelles, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Vous pouvez lui expliquer votre situation personnelle sans donner votre identité, signaler des faits de violences sexuelles et/ou sexistes dont vous êtes victime ou témoin. Vous pouvez aussi demander des informations, des conseils ou de l’aide. Chantage, humiliation, injures, coups… Les femmes victimes de violences peuvent contacter le 3919. Pour ceux qui souhaitent enregistrer leur voix sur une image ou une vidéo, rien de plus simple, suivez le mode d’emploi ci dessus ! Résumé et recueil de citations établis par Bernard MARTIAL, professeur de lettres en CPGE. Entre … changement de page dans l’édition du Livre de poche n°6524. 1ère partie, p. 22 à 142 LE FEU Journal d'une escouade 1916. À LA MÉMOIRE DES CAMARADES TOMBÉS À CÔTÉ DE MOI À CROUŸ ET SUR LA CÔTE 119. H. B. I. LA VISION Des hommes sont installés à la terrasse du premier étage d’un sanatorium donnant sur la Dent du Midi, l’Aiguille Verte et le Mont Blanc. Silence. Les hommes sont repliés sur eux-mêmes, et pensent à leur vie et à leur mort ». Une servante, habillée de blanc, distribue les journaux. C’est chose faite, dit celui qui a déployé le premier son journal, la guerre est déclarée. […] 24 — C’est un crime que commet l’Autriche, dit l’Autrichien. — Il faut que la France soit victorieuse, dit l’Anglais. — J’espère que l’Allemagne sera vaincue, dit l’Allemand. » Le silence est plein de la révélation qui vient d’être apportée La guerre ! » Sur ce paysage, ils croient voir apparaître la guerre. Des multitudes fourmillent par masses distinctes. Sur des champs, des assauts, vague par vague, se propagent, puis s’immobilisent ; des maisons sont éventrées comme des hommes, et des villes comme des maisons, des villages apparaissent en blancheurs émiettées, comme s’ils étaient tombés du ciel sur la terre, des chargements de morts et des blessés épouvantables changent la forme des plaines. 25 On voit chaque nation dont le bord est rongé de massacres, qui s’arrache sans cesse du cœur de nouveaux soldats pleins de force et pleins de sang ; on suit des yeux ces affluents vivants d’un fleuve de mort. Au Nord, au Sud, à l’Ouest, ce sont des batailles, de tous côtés, dans la distance. On peut se tourner dans un sens ou l’autre de l’étendue il n’y en a pas un seul au bout duquel la guerre ne soit pas. Un des voyants pâles, se soulevant sur son coude, énumère et dénombre les belligérants actuels et futurs trente millions de soldats. Un autre balbutie, les jeux pleins de tueries — Deux armées aux prises, c’est une grande armée qui se suicide. — On n’aurait pas dû, dit la voix profonde et caverneuse du premier de la rangée. Mais un autre dit — C’est la Révolution française qui recommence. — Gare aux trônes ! annonce le murmure d’un autre. Le troisième ajoute — C’est peut-être la guerre suprême. Il y a un silence, puis quelques fronts, encore blanchis par la fade tragédie de la nuit où transpire l’insomnie, se secouent. — Arrêter les guerres ! Est-ce possible ! Arrêter les guerres ! La plaie du monde est inguérissable. » Quelqu’un tousse. Le calme des paysages submerge ces visions et les parleurs rentrent en eux, préoccupés par leurs poumons. Le soir, un orage éclate sur le massif du Mont-Blanc et les hommes regardent les coups de tonnerre éclater sur la montagne. 26 — Arrêter la guerre ! disent-ils. Arrêter les orages ! » Les visions de l’orage se confondent avec le spectacle de la guerre Mais les contemplateurs placés au seuil du monde, lavés des passions des partis, délivrés des notions acquises, des aveuglements, de l’emprise des traditions, éprouvent vaguement la simplicité des choses et les possibilités béantes… Celui qui est au bout de la rangée s’écrie — On voit, en bas, des choses qui rampent. — Oui… c’est comme des choses vivantes. — Des espèces de plantes… — Des espèces d’hommes. Voilà que dans les lueurs sinistres de l’orage, au-dessous des nuages noirs échevelés, étirés et déployés sur la terre comme de mauvais anges, il leur semble voir s’étendre une grande plaine livide. Dans leur vision, des formes sortent de la plaine, qui est faite de boue et d’eau, et se cramponnent à la surface du sol, aveuglées et écrasées de fange, comme des naufragés monstrueux. Et il leur semble que ce sont des soldats. La plaine, qui ruisselle, striée de longs canaux parallèles, creusée de trous d’eau, est immense, et ces naufragés qui cherchent à se déterrer d’elle sont une multitude… Mais les trente millions d’esclaves jetés les uns sur les autres par le crime et l’erreur, dans la guerre de la boue, lèvent leurs faces humaines où germe enfin une volonté. L’avenir est dans les mains des esclaves 27, et on voit bien que le vieux monde sera changé par l’alliance que bâtiront un jour entre eux ceux dont le nombre et la misère sont infinis. » II. DANS LA TERRE Sur le champ de bataille le ciel, la terre et l’eau. La tranchée 28 Des espèces d’ours c’est nous ! Je vois des ombres émerger de ces puits latéraux, et se mouvoir, masses énormes et difformes des espèces d’ours qui pataugent et grognent. C’est nous ». Enterrés au fond d’un champ de bataille depuis plus de quinze mois, depuis cinq cents jours. Présentation des hommes de l’escouade Paradis 29, Volpatte et Firmin 30, Lamuse, Biquet, Tirette, le père Blaise 31, Barque… Blaire se fâcha. Ses sourcils se froncèrent sous son front où s’accumulait la noirceur. — Qu’est-c’ que tu m’embêtes, toi ? Et pis après ? C’est la guerre. Et toi, face d’haricot, tu crois p’t’être que ça n’te change pas la trompette et les manières, la guerre ? Ben, r’garde-toi, bec de singe, peau d’fesse ! Faut-il qu’un homme soye bête pour sortir des choses comme v’là toi ! » 32 … Marthereau, Tirloir, Pépin 33, Tulacque. Regroupement de l’escouade de Bertrand et de la moitié de la section à un coude de la tranchée 34. Notre compagnie occupe en réserve, une parallèle de 2e ligne. La nuit travaux de terrassement, le jour attente. Début de l’aube. Les divers accoutrements des hommes Pépin, Barque, Lamuse, Eudore, Tulacque, les casques 35 Biquet, Cadilhac, les jambes ! Volpatte, Mesnil André, Tirette, Marthereau, Pépin, Barque 36. Histoire des bottes du fantassin allemand prises par Caron à un mitrailleur bavarois abattu près de la route des Pylônes et confiées à Poterloo au moment de son évacuation. Comment chacun s’occupe Mesnil Joseph, blaire, Marthereau, Lamuse, Eudore, Volpatte, Mesnil André 37 Barque. Trois générations de soldats Nos âges ? Nous avons tous les âges. Notre régiment est un régiment de réserve que des renforts successifs ont renouvelé en partie avec de l’active, en partie avec de la territoriale. Dans la demi-section, il y a des des bleus et des demi-poils. Fouillade a quarante ans. Blaire pourrait être le père de Biquet, qui est un duvetier de la classe 13. Le caporal appelle Marthereau grand-père » ou vieux détritus » selon qu’il plaisante ou qu’il parle sérieusement. Mesnil Joseph serait à la caserne s’il n’y avait pas eu la guerre. Cela fait un drôle d’effet quand nous sommes conduits par notre sergent Vigile, un gentil petit garçon qui a un peu de moustache peinte sur la lèvre, et qui, l’autre jour, au cantonnement, sautait à la corde avec des gosses. Dans notre groupe disparate, dans cette famille sans famille, dans ce foyer sans foyer qui nous groupe, il y a, côte à côte, trois générations qui sont là, à vivre, à attendre, à s’immobiliser, comme des statues informes, comme des bornes ». Originaires de toutes les régions Nos races ? Nous sommes toutes les races ». Poterloo, mineur de Calonne, Fouillade, batelier de Cette 38, Cocon de Lyon, Biquet le Breton, André Mesnil le Normand, Lamuse, paysan du Poitou, Barque, le Parisien,, Tirette de Clichy-la-Garenne, Paradis du Morvan. Nos métiers ? Un peu tout dans le tas ». Laboureurs et ouvriers pour la plupart. Lamuse, valet de ferme, Paradis, charretier, Cadilhac a des terres, Père Blaise, métayer dans la Brie, barque, garçon livreur, le Caporal Bertrand, contremaître dans une manufacture de gainerie 39, Tirloir, peintre de voitures, Tirloir, bistrotier à la barrière du Trône, Eudore tient un estaminet près du front, Mesnil André, pharmacien, son frère Mesnil Joseph, vendeur de journaux dans une gare, Cocon, quincailler, Becuwe Adolphe et Poterloo, mineurs. Plus ceux dont on ne se rappelle pas le métier ou que l’on confond Pépin qui n’en a pas. Pas de profession libérale autour de moi. Des instituteurs sont sous-officiers à la compagnie ou infirmiers. Dans le régiment, un frère mariste est sergent au service de santé ; un ténor, cycliste du major ; un avocat, secrétaire du colonel ; un rentier, caporal d’ordinaire à la Compagnie Hors Rang. Ici, rien de tout cela. Nous sommes des soldats combattants, nous autres, et il n’y a presque pas d’intellectuels, d’artistes ou de riches qui, pendant cette guerre 40, auront risqué leurs figures aux créneaux, sinon en passant, ou sous des képis galonnés ». On diffère profondément… mais pourtant on se ressemble diversités d’âges, d’origine, de situation, mêmes silhouettes, mêmes mœurs, mêmes habitudes, même caractère simplifié d’hommes revenus à l’état primitif », même parler, fait d’un mélange d’argots et de patois. Et puis, ici, attachés ensemble par un destin irrémédiable, emportés malgré nous sur le même rang, par l’immense aventure, on est bien forcé, avec les semaines et les nuits, d’aller se ressemblant. L’étroitesse terrible de la vie commune nous serre, nous adapte, nous efface les uns dans les autres. C’est une espèce de contagion fatale. Si bien qu’un soldat apparaît pareil à un autre sans qu’il soit nécessaire, pour voir cette similitude, de les regarder de loin, aux distances où nous ne sommes que des grains de la poussière qui roule dans la plaine ». On attend et on se fatigue d’attendre On attend toujours, dans l’état de guerre. On est devenus des machines à attendre ». On attend la soupe, puis les lettres 41 ; après on attend autre chose. Récriminations pour la soupe. 42-43 Arrivée du ravitaillement. 44-45 Satisfaction et plaisanteries obscènes. 46 Du café et du tabac. Conversations et altercations dispute entre Pépin et Tulacque 47, Lamuse s’interpose 48. Hier, c’était Plaisance qui voulait se battre avec Fumex, me dit Paradis. La journée s’avance. Brouillard et humidité. Cocon explique la situation des tranchées Il y a dans le secteur du régiment quinze lignes de tranchées françaises, les unes abandonnées, envahies par l’herbe et quasi nivelées, les autres entretenues à vif et hérissées d’hommes. Ces parallèles sont réunies par des boyaux innombrables qui tournent et font des crochets comme de vieilles rues. Le réseau est plus compact encore que nous le croyons, nous qui vivons dedans. Sur les vingt-cinq kilomètres de largeur qui forment le front de l’armée, il faut compter mille kilomètres de lignes creuses tranchées, boyaux, sapes. Et l’armée française a dix armées. Il y a donc, du côté français, environ dix mille kilomètres de 49 tranchées et autant du côté allemand… Et le front français n’est à peu près que la huitième partie du front de la guerre sur la surface du monde ». Conversation entre les hommes C’est vrai, quand on y pense, qu’un soldat — ou même plusieurs soldats — ce n’est rien, c’est moins que rien dans la multitude, et alors on se trouve tout perdu, noyé, comme quelques gouttes de sang qu’on est, parmi ce déluge d’hommes et de choses » dit Barque 50. Il faut empêcher les Boches de passer caporal Bertrand. Fouillade rouspète. Moi, dit Barque, je ne rouspète plus. Au commencement, je rouspétais contre tout le monde, contre ceux de l’arrière, contre les civils, contre l’habitant, contre les embusqués. Oui, j’rouspétais, mais c’était au commencement de la guerre, j’étais jeune. Maint’nant, j’prends mieux les choses ». Prendre les choses comme elles viennent, vivre au jour le jour, faire ce qu’on nous dit de faire Faut vivre au jour le jour, heure par heure même, si tu peux […] Les faces cuites, tannées, incrustées de poussière, opinent, se taisent. Évidemment, c’est là l’idée de ces 51 hommes qui ont, il y a un an et demi, quitté tous les coins du pays pour se masser sur la frontière ». Renoncement à comprendre, et renoncement à être soi-même ; espérance de ne pas mourir et lutte pour vivre le mieux possible. Faire ce qu’on doit et se démerder Chacun pour soi, à la guerre ! » Souvenirs de Barque, Tirloir, Lamuse, Paradis, Blaire, Pépin le bon temps » passé à Soissons ville quasi évacuée pendant plusieurs mois 52. Une époque d’abondance du poulet, du lapin, de l’argent. Au milieu de tout ça, on courait après le feu. le cantonnement de la Martin César, le cuistot qui trouvait toujours de quoi faire du feu un violon, des queues de billard 53, des fauteuils de salon, un vieux meuble. Les chapardages le lieutenant Virvin défonçant la porte d’une cave à coups de hache, Saladin, l’officier de ravitaillement volant deux bouteilles de blanc. Le cuistot est mort d’une crise cardiaque, on l’a enterré 54. Les soldats essaient de se débrouiller pour éviter les corvées sauf quand les copains sont en danger ex. de Lamuse, virtuose du tirage au flanc qui a sauvé la vie à des blessés en allant les chercher dans la fusillade. Presque tous les gars de l’escouade ont quelque haut fait militaire à leur actif et, successivement, les croix de guerre se sont alignées sur leurs poitrines ». Aux attaques de mai, Biquet a attrapé quatre Allemands. il y a deux mois, Tulacque en a tué neuf. Tulacque 55, Tirloir, Eudore n’ont rien contre les simples soldats allemands mais ils en veulent aux officiers. En tous cas, on n’est pas fixé pour les hommes, reprend Tirloir, mais les officiers allemands, non, non, non pas des hommes, des monstres. Mon vieux, c’est vraiment une sale vermine spéciale. Tu peux dire que c’est les microbes de la guerre. Il faut les avoir vus de près, ces affreux grands raides, maigres comme des clous, et qui ont tout de même des têtes de veaux ». Tirloir se souvient d’un colonel prussien aristocrate qui le méprisait. Il lui a donné un coup de pied au cul. Blaire 56 et Pépin évoquent les allemands qu’ils n’hésiteront à tuer et tous leurs objets qu’ils pourront revendre couvercles d’argent, pistolets, jumelles, casques. Pépin compte bien avoir les frusques d’un galonné de Guillaume. — T’en fais pas j’saurai bien goupiller ça avant que la guerre finisse. — Tu crois à la finition de la guerre, toi ? demande l’un. — T’en fais pas, répond l’autre ». Arrivée d’un groupe deux officiers d’état-major avec des civils. Des touristes des tranchées 57. Le capitaine leur montre une banquette de tir. Deux hommes s’approchent de nous Ah ! ah ! fait le premier monsieur, voilà des poilus… Ce sont de vrais poilus, en effet » 58. Les hommes nous regardent en train de boire notre café comme des animaux au zoo. — C’est bon, mes amis ? […] — C’est très bien, c’est très bien, mes amis. Vous êtes des braves ! ». Nous réalisons en entendant un officier que ces hommes étaient des journalistes ; Barque se moque de la propagande et des mensonges des journalistes Le kronprinz est fou, après avoir été tué au commencement de la campagne, et, en attendant, il a toutes les maladies qu’on veut. Guillaume va mourir ce soir et remourir demain. Les Allemands n’ont plus de munitions, becquètent du bois ; ils ne peuvent plus tenir, d’après les calculs les plus autorisés, que 59 jusqu’à la fin de la semaine. On les aura quand on voudra, l’arme à la bretelle. Si on attend quèq’jours encore, c’est que nous n’avons pas envie d’quitter l’existence des tranchées ; on y est si bien, avec l’eau, le gaz, les douches à tous les étages. Le seul inconvénient, c’est qu’il y fait un peu trop chaud l’hiver… Quant aux Autrichiens, y a longtemps qu’euss i’ s n’tiennent plus i’ font semblant… » V’là quinze mois que c’est comme ça et que l’directeur dit à ses scribes Eh ! les poteaux, j’tez-en un coup, tâchez moyen de m’décrotter ça en cinq sec et de l’délayer sur la longueur de ces quatre sacrées feuilles blanches qu’on a à salir. » Le caporal fait remarquer aux hommes qu’ils sont les premiers à vouloir lire les journaux. L’attention se disperse. Une partie de manille. Cocon et Tirette évoquent leurs souvenirs de caserne sujet de conversation inépuisable 60. Les anecdotes des ex-troupiers défi à un gradé. Arrivée du vaguemestre militaire chargé du service postal. De mauvaise humeur. Il distribue le courrier 61 et transmet les ordres du général commandant l’armée défense de porter des capuchons, ordre de tailler les barbes. D’autres nouvelles aussi incertaines que fantaisistes la division serait relevée pour aller soit au repos soit au Maroc ou en Egypte 62. On veut savoir d’où viennent ces informations. Le bon sens reprend le dessus et chasse le rêve. Les lettres reçues et celles qu’il faut écrire Tirloir et Eudore. Barque est inspiré 63, Lamuse beaucoup moins, Eudore est ému. Le moment des lettres est celui où l’on est le plus et le mieux ce que l’on fut. Plusieurs hommes s’abandonnent au passé […]. Sous l’écorce des formes grossières et obscurcies, d’autres cœurs laissent murmurer tout haut un souvenir » Le père Blaire fabrique une bague pour sa 64 femme. Dans ces trous dénudés de la terre, ces hommes […] ont l’air encore plus sauvages, plus primitifs, et plus humains, que sous tout autre aspect » Un adjudant passe avec une compagnie de territoriaux chargés dans le secteur des travaux de terrassement de seconde ligne et de l’entretien des boyaux d’arrière. Des petits vieux mal fagotés ou de gros poussifs avec leurs outils 65. Tirette et Barque se moquent d’eux ; ils prennent à partie deux hommes ce qui fait rire les autres. Il n’en faut pas davantage pour exciter encore les 66 deux compères que le désir de placer un mot jugé drôle par un public peu difficile incite à tourner en dérision les ridicules de ces vieux frères d’armes qui peinent nuit et jour, au bord de la grande guerre, pour préparer et réparer les champs de bataille. Et même les autres spectateurs s’y mettent aussi. Misérables, ils raillent plus misérables qu’eux. » Les soldats continuent leurs railleries. Le défilé des vétérans se termine au milieu des sarcasmes. 67 Crépuscule. Défilé d’une troupe de tabors soldats marocains avec un tirailleur sénégalais. Ceux-là, on ne s’en moque pas. Leur passage est l’indice d’une attaque prochaine. Ce sont des soldats courageux. 68 — Au fond, ce sont de vrais soldats. — Nous ne sommes pas des soldats, nous, nous sommes des hommes, dit le gros Lamuse. L’heure s’est assombrie et pourtant cette parole juste et claire met comme une lueur sur ceux qui sont ici, à attendre, depuis ce matin, et depuis des mois. Ils sont des hommes, des bonshommes quelconques arrachés brusquement à la vie. Comme des hommes quelconques pris dans la masse, ils sont ignorants, peu emballés, à vue bornée, pleins d’un gros bon sens, qui, parfois, déraille ; enclins à se laisser conduire et à faire ce qu’on leur dit de faire, résistants à la peine, capables de souffrir longtemps. Ce sont de simples hommes qu’on a simplifiés encore, et dont, par la force des choses, les seuls instincts primordiaux s’accentuent instinct de la conservation, égoïsme, espoir tenace de survivre toujours, joie de manger, de boire et de dormir ». La nuit tombe. Ordre de rassemblement de la deuxième demi-section devant le dépôt d’outils 69. Chacun prend une pelle et une pioche. Coups de tonnerre dans le ciel. DESCENTE Arrivée du 6e Bataillon à la fin de la nuit dans un champ près du bois des Alleux 70. Nous attendons le reste du 5e Bataillon qui était en première ligne. La relève qui a commencé hier à six heures et a duré toute la nuit est finie. La 18e Compagnie a eu dix-huit tués et une cinquantaine de blessés à cause des bombardements. Arrivées de la 17e, de la 18e et de la 20e. Le capitaine de la 18e compagnie passe avec sa canne 71. Je vais au devant de la 18e. Des hommes qui reviennent de l’enfer. Vacarme épouvantable. La 2e section avec son sous-lieutenant. Des onze hommes de l’escouade du caporal Marchal, il n’en reste plus que trois. Marchal m’apprend la mort de Barbier 72 samedi à 23h, de Besse un obus lui a traversé le ventre et l’estomac, de Barthélémy et Baubex atteints à la tête et au cou, de Godefroy le milieu du corps emporté, Gougnard jambes hachées, Mondain dimanche matin, poitrine défoncée par l’écroulement de la guitoune, Franco colonne vertébrale cassée par cet écroulement, Vigile idem, tête aplatie 73. Marchal est accaparé par ses camarades. Un rescapé Vanderborn, le tambour. Les soldats sont gais, heureux de s’en être sortis. Ils sont soulagés pour six semaines. Les soldats de la guerre ont, pour les grandes et les petites choses, une philosophie d’enfant ils ne regardent jamais loin ni autour d’eux, ni devant eux. Ils pensent à peu près au jour le jour. Aujourd’hui, chacun de ceux-là est sûr de vivre encore un bout de temps. C’est pourquoi, malgré la fatigue qui les écrase, et la boucherie toute fraîche dont ils sont éclaboussés encore, et leurs frères arrachés tout autour de chacun d’eux, malgré tout, malgré eux, ils sont dans la fête de survivre, ils jouissent de la gloire infinie d’être debout ». 74 IV. VOLPATTE ET FOUILLADE Le sergent et le capitaine sont en colère. Volpatte et Fouillade ont été réquisitionnés et emmenés en première ligne par le 5e Bataillon. Le caporal Bertrand me demande d’aller les chercher avec Farfadet. On fait le chemin à l’envers en remontant la côte. Farfadet a du mal à suivre. En sortant du bois, on les retrouve 75. Volpatte n’entend rien, il a des bandages autour de la tête. Fouillade explique qu’ils reviennent du lieu où le 5e Bataillon les a mis jeudi et… les a oubliés. Ils sont restés quatre jours et quatre nuits dans un trou d’obus puant et sous les balles 76. On leur avait dit de se tenir là et de tirer. Le lendemain, ils ont eu la visite d’un type de liaison du 5e qui s’est enfui. Ils ont tenu avec une boule de son, un seau de vin et une caisse de cartouches. Farfadet donne à boire à Volpatte qui grelotte. Ils ont fait prisonniers deux allemands qui sont tombés dans leur trou et les ont attachés. Oubliés par le type de liaison, par le 6e et par le 18e 77, ils ont été retrouvés par ceux du 204 à qui ils ont remis les Boches. Au passage, ils ont même sorti le sergent Sacerdote de son trou. Volpatte a été blessé aux oreilles par l’explosion d’un obus. Retour. Farfadet et moi, nous portons le barda de Volpatte. Il se réjouit car avec sa blessure, il va être évacué 78. Dix heures sonnent au village. Volpatte imagine déjà son évacuation comme ce qui est arrivé à Jules Crapelet. Il montre la photo de sa femme et de ses deux garçons. Il dit que ses oreilles repousseront pendant sa convalescence et que d’ici là la guerre sera peut-être finie J’irai en convalo, dit Volpatte, et pendant qu’mes oreilles se recolleront, la femme et les p’tits me regarderont 79, et je les regarderai. Et pendant c’temps-là qu’elles r’pouss’ront comme des salades, mes amis, la guerre, elle s’avancera… Les Russes… On n’sait pas, quoi !… ». Fouillade en est presque jaloux et Farfadet comprend maintenant ce que veut dire une bonne blessure » la seule chose qu’un pauvre soldat puisse espérer qui ne soit pas fou ». On approche du village ; on contourne le bois. On voit une femme blonde. Fouillade nous apprend qu’elle s’appelle Eudoxie, qu’elle est réfugiée et qu’elle est à Gamblin dans une famille 80. Lamuse s’intéresse à elle. Il apparaît. Il veut porter les affaires de Volpatte et de Fouillade. En fait 81, il cherche Eudoxie. Elle réapparaît et je comprends que c’est à Farfadet que la bohémienne s’intéresse. Lamuse n’a rien vu mais le plus blessé n’est peut-être pas celui qu’on pense. On redescend au village 82 et les camarades se rassemblent sur la place de l’église V. L’ASILE Marche du régiment en quête d’un nouveau gîte sur la route qui monte au milieu du bois. Cohue endiguée par les talus et vacarme nocturne. On n’y voit rien 83. Spectacle de l’aube après plusieurs haltes. On sort de cette nuit de marche. Le nouveau cantonnement Gauchin-l’Abbé. D’après la rumeur, il y a tout ici Brigade, Conseil de Guerre 84, une espèce de terre promise. Après vingt-huit kilomètres dans la nuit, on arrive près des maisons au petit jour mais on ne s’arrête pas. Brouillard et froid. Le soleil perce enfin 85 et devient ardent. Bientôt il fait chaud dans ce pays de craie. Long nuage de calcaire et de poussière, les pieds semblent barboter dans des auges de maçons. On s’écarte pour laisser passer un convoi de camions qui soulève un nuage de poussière qui nous recouvre 86. On ressemble à des statues de plâtre. On se remet en route. Arrivée au cantonnement sur le coup de midi. Le régiment envahit la seule rue de Gauchin-l’Abbé. Les hommes s’engouffrent dans les bâtiments. Nous allons jusqu’au bout du village puis revenons à l’entrée 87. Fatigue et impatience au sein de l’escouade où chacun est pressé de trouver un coin à louer chez l’habitant. Ce sera difficile trois compagnies arrivent après la nôtre, quatre sont arrivées avant et il y a beaucoup de gens plus puissants que les simples soldats. La grange dévolue à l’escouade. On déchante mais il faut se dépêcher de trouver la meilleure place 88. L’escouade se scinde en deux patrouilles qui partent dans la rue. J’ai l’impression d’une sorte de combat désespéré entre tous les soldats, dans les rues du village qu’on vient d’occuper. — Pour nous, dit Marthereau, la guerre, c’est toujours la lutte et la bataille, toujours, toujours ! » Partout des refus de la part des habitants. Les trois rues du village noires de monde. La foule 89. J’aperçois Eudoxie dans une ruelle. Je ne dis rien à Lamuse qui ne l’a pas vue. Pour le moment, il faut trouver un coin. Barque nous entraîne vers une porte jaune. Devant, on rencontre Blaire 90 qui attend la voiture-dentiste. Négociations avec les habitants pour s’installer. Un local très sombre en terre battue, encombré de linge sale 91. Une vieille porte sur deux tonneaux fera office de table. On sera une douzaine. La femme a peur qu’on lui vole sa planche. 92 — Mais nous, on n’est pas des voleurs, insinue Lamuse, avec modération pour ne pas irriter la créature qui dispose de notre bien-être. — J’dis pas, mais vous savez, les soldats, i’s abîment tout. Ah quelle misère que c’te guerre ! » Vingt sous par jour. On essaie de protester. La femme prévient qu’elle peut trouver d’autres clients. On voudrait acheter du vin. La femme dit qu’elle n’en vend pas. — Vous comprenez, l’autorité militaire force ceux qui tiennent du vin à le vendre quinze sous. Quinze sous ! Quelle misère que c’te maudite guerre ! On y perd, à quinze sous, monsieur. Alors, j’n’en vends pas d’vin. J’ai bien du vin pour nous. J’dis pas que quéqu’fois, pour obliger, j’en cède pas à des gens qu’on connaît, des gens qui comprennent les choses, mais vous pensez bien, messieurs, pas pour quinze sous ». Elle accepte finalement de vendre un litre de vin à Lamuse pour vingt-deux sous 93. Elle nous conduit dans le cellier où il y a trois gros tonneaux. Barque ronchonne. La mégère devient agressive — Vous ne voudrez pas qu’on se ruine à cette misère de guerre ! C’est assez de tout l’argent qu’on perd à ci et à ça. Barque s’accroche avec elle. On s’interpose. Le mari appelle sa femme Palmyre qui s’en va. Colère de Barque et de Marthereau contre les hôtes 94 et contre Lamuse. — J’sais bien que c’est partout et toujours la même histoire, mais c’est égal… — I’s’ démerde l’habitant, ah ! oui ! I’ faut bien qu’i’ y en ait qui fassent fortune. Tout le monde ne peut pas s’faîre tuer. — Ah ! les braves populations de l’Est ! — Ben, et les braves populations du Nord ! — … Qui nous accueillent les bras ouverts !… — La main ouverte, oui… — J’te dis, répète Marthereau, que c’est un’ honte et une dégueulasserie ». On annonce la nouvelle au cantonnement. Courses pour le déjeuner. Barque a réussi à se faire donner les pommes de terre et la viande constituant la portion des quinze hommes de l’escouade. Il a aussi acheté du saindoux et des petits pois en conserve. La boîte de veau à la gelée de Mesnil André servira de hors d’œuvre. 95. La cuisine. Une marmite de plus sur la cuisinière de fonte. La femme se plaint. Les autres arrivent. Crépuscule de cave. Farfadet se frotte contre le mur et se salit. Puis il fait tomber sa cuiller qu’il retrouve charbonneuse 96. Repas abondant. Lueur par le soupirail. Biquet raconte ses tribulations avec une blanchisseuse, Tulacque parle de la queue devant l’épicerie et du rapport qui prévoit des sanctions sévères en cas de déprédations chez l’habitant. Volpatte va être évacué et Pépère va aller à l’arrière avec les hommes de la classe 93. Leur hôtesse a des soldats à sa table les infirmiers des mitrailleurs. Pépin parle d’une vieille qui reçoit gratuitement les gars de la 9e parce que son vieux, qui est mort il y a cinquante ans, était voltigeur 97. Palmyre apporte le café. Pourquoi que vous appelez l’adjudant le juteux ? […] Toujours ça a été ». Dix sous le café. Visite de Charlot, un garçon de la maison de la côté. Il raconte que ses parents ont aussi des soldats et qu’ils leur vendent tout ce qu’ils veulent. — Dis donc, petit, viens un peu ici, dit Cocon, en prenant le bambin entre ses genoux. Écoute bien. Ton papa i’ dit, n’est-ce pas Pourvu que la guerre continue ! » hé ? — Pour sûr, dit l’enfant en hochant la tête, parce qu’on devient riche. Il a dit qu’à la fin d’mai on aura gagné cinquante mille francs. — Cinquante mille francs ! C’est pas vrai ! — Si, si ! trépigne l’enfant. Il a dit ça avec maman. Papa voudrait qu’ça soit toujours comme ça. Maman, des fois, elle ne sait pas, parce que mon frère Adolphe est au front. Mais on va le faire mettre à l’arrière et, comme ça, la guerre pourra continuer ». Bruit de querelles le mari reproche à sa femme de ne pas savoir y faire 98. On sort de notre souterrain. Les mouches. Dans le bric-à-brac de la maison, un vieux monsieur. Il se prétend le beau-père de quelqu’un qui est ici. Palmyre le laisse faire en passant le balai sans rien dire 99. Des commères parlent de la façon de doser le Picon. Les bestioles se multiplient à cause de la chaleur. Je vais flâner avec Lamuse l’après-midi. Corvisart voudrait bien venir avec nous mais il est de corvée de colombins. Des cris Barque en proie à une ménagerie de ménagères. La scène est observée par une fillette 100. Six hommes, conduits par un caporal-fourrier, portent des capotes neuves et des chaussures. Lamuse voudrait de nouvelles chaussures. Un aéroplane ronfle. Lamuse ne croit pas au progrès — Ces machines-là, jamais ça ne deviendra pratique, jamais. — Comment peux-tu dire ça ! On a fait tellement de progrès, si vite… — Oui, mais on s’arrêtera là. On ne fera jamais mieux, jamais ». Il préfère me parler d’Eudoxie. Elle est là. Je fais semblant de ne pas m’en être aperçu 101. Mon vieux, veux-tu que je te dise ? Elle est venue pour moi ». Il veut épouser cette Eudoxie Dumail, cette paysanne plus belle qu’une Parisienne. Il a du mal à exprimer ses sentiments 102. C’est parti pour le commerce local avec les soldats. Cortège d’un enterrement militaire. Nous avons dépassé les dernières maisons. Au bout de la rue, le train régimentaire et le train de combats se sont installés avec leur matériel, les chevaux, la forge. Au bord du camp, la fameuse voiture stomatologique que cherchait Blaire 103. Il est là et interpelle Sambremeuse, l’infirmier, qui revient de ses courses. Suite de la promenade dans un sentier. Puis, nous nous trouvons face-à-face avec Eudoxie 104. Déclaration d’amour de Lamuse à Eudoxie qui le repousse. Il veut l’embrasser. Elle suffoque. Je m’interpose. Elle s’en va. J’entraîne le pauvre Lamuse 105. Les hommes du corps de garde Bigornot, Cornet, Canard, La Mollette parlent d’un marchand de vin, de Pépère, des femmes. Les autres regardent des avions ennemis. 106 On rentre. Carassus et Cheyssier annonce le départ de Pépère à l’arrière. Des bandes de poilus en conversations dans le village. Cohue autour d’un marchand de journaux. Fouillade, Paradis. Biquet nous parle de sa tenue qu’il va devoir nettoyer. Montreuil a une lettre pour lui c’est sa mère qui s’inquiète pour lui. Au centre du village 107, l’affluence augmente. On salue le commandant, et l’aumônier noir. On est interpellés par Pigeon, Guenon, le jeune Escutenaire, le chasseur Clodore. Bizouarne, Chanrion, Roquette parlent du départ de Pépère. Biquet de la lettre de sa mère. Elle date de dix jours. On rejoint notre asile. On est bien maintenant ». Biquet écrit à sa mère 108. VI. HABITUDES Poule noire, deux poussins, un vieux coq dans la basse-cour. Commentaires de Paradis et de Volpatte. On est bien, dit Barque » 109. Les petits canards. Au-delà de cette cour de ferme, un verger, une prairie, des abeilles, un pré, une pie. Les soldats s’étirent sur un banc de pierre. Voilà dix-sept jours qu’on est là. Des poilus se promènent. Tellurure 110. On croyait aussi qu’on s’rait malheureux ici comme dans les autres cantonnements. Mais cette fois-ci, c’est le vrai repos, et par le temps qu’i’ dure, et par la chose qu’il est ». Pas trop d’exercices, pas trop de corvées. Au bout du banc, le vieux bonhomme au trésor. Autrefois, il aimait les femmes ; maintenant, il ne pense plus qu’à l’argent. Il repart chercher son trésor et entre dans la maison 111. Dans la chambre, une petite fille joue à la poupée très sérieusement. On regarde le temps qui passe. Nous nous sommes attachés à ce coin de pays où le hasard nous a maintenus, au milieu de nos perpétuels errements, plus longtemps et plus en paix qu’ailleurs ». Le mois de septembre. On s’est habitués, ces lieux et nous, à être ensemble et on ne pense plus réellement au départ. La 11e Division est restée un mois et demi au repos et la 375e neuf semaines. — On finirait bien la guerre ici… Barque s’attendrit et n’est pas loin de le croire — Après tout, elle finira bien un jour, quoi ! » 112 Farfadet est plus heureux que nous à cause de son idylle avec Eudoxie. Il va nous quitter il va être appelé à l’arrière, à l’Etat-major de la Brigade 113. VII. EMBARQUEMENT Une alerte nous a, dans la nuit, arrachés au sommeil et au village de Gauchin-l’Abbé et on a marché jusqu’à une gare. On est sentinelles sur le quai. Une locomotive empêche Barque de parler 114. Des rames de quarante à soixante wagons. Les convois, les bâtiments de la gare. Des voitures militaires, des camions, des files de chevaux dans des terrains vagues 115. On embarque des canons camouflés. Un cheval peint. Sur le soir, des soldats arrivent, de plus en plus nombreux. Les statistiques de Cocon C’est rien ça encore, dit Cocon, l’homme-statistique. Rien qu’à l’ État-Major du Corps d’Armée, 116 il y a trente autos d’officier, et tu sais pas, ajouta-t-il, combien i’ faudra de trains de cinquante wagons pour embarquer tout le Corps – bonhommes et camelote – sauf, bien entendu, les camions, qui rejoindront le nouveau secteur avec leurs pattes ? N’cherche pas, bec d’amour. Il en faudra quatre-vingt-dix ». Il y en a trente-neuf. Gare surpeuplée. Le soir, les lumières s’allument 117. La gare prend un aspect fantastique. Cavaliers et fantassins s’avancent. On embarque des chevaux. Des voitures sur des wagons-tombereaux. La Section des projecteurs 118. — Il y a quatre Divisions, à cette heure, au Corps d’Armée, répond Cocon. Ça change quelquefois c’est trois, des fois, c’est cinq. Pour le moment, c’est quatre. Et chacune de nos divisions, reprend l’homme-chiffre que notre escouade a la gloire de posséder, renferme trois – régiments d’infanterie ; deux – bataillons de chasseurs à pied ; – un – régiment d’infanterie territoriale – sans compter les régiments spéciaux, Artillerie, Génie, Train, etc., sans non plus compter l’ État-Major de la et les services non embrigadés, rattachés directement à la Un régiment de ligne à trois bataillons occupe quatre trains un pour l’ la Compagnie de mitrailleuses et la compagnie hors rang, et un par bataillon. Toutes les troupes n’embarqueront pas ici les embarquements s’échelonneront sur la ligne selon le lieu des cantonnements et la date des relèves ». Tulacque est fatigué parce qu’on ne leur donne pas assez à manger. — Je m’suis renseigné, reprend Cocon. Les troupes, les vraies troupes, ne s’embarqueront qu’à partir du milieu de la nuit. Elles sont encore rassemblées çà et là dans les villages à dix kilomètres à la ronde. C’est d’abord tous les services du Corps d’Armée qui partiront et les – éléments non endivisionnés, explique obligeamment Cocon, c’est-à-dire rattachés directement au ». Parmi les tu ne verras pas le Ballon, ni l’Escadrille c’est des trop gros meubles, qui naviguent par leurs seuls moyens avec leur personnel, leurs bureaux, leurs infirmeries. Le régiment de chasseurs est un autre de ces […] 119 Comme du Corps d’Armée, y a l’Artillerie de Corps, c’est-à-dire l’artillerie centrale qui est en plus de celle des divisions. Elle comprend l’ – artillerie lourde, – l’ – artillerie de tranchées, – les – parcs d’artillerie, – les auto-canons, les batteries contre-avions, est-ce que je sais ! Il y a le Génie, la Prévôté, à savoir le Service des cognes à pied et à cheval, le Service de Santé, le Service vétérinaire, un escadron du Train des équipages, un régiment territorial pour la garde et les corvées du – Quartier Général, – le Service de l’Intendance avec le Convoi administratif, qu’on écrit pour ne pas l’écrire comme le Corps d’Armée. Il y a aussi le Troupeau de Bétail, le Dépôt de Remonte, etc. ; le Service Automobile – tu parles d’une ruche de filons dont j’pourrais t’parler pendant une heure si j’voulais – le Payeur, qui dirige les Trésors et Postes, le Conseil de Guerre, les Télégraphistes, tout le Groupe électrogène. Tout ça a des directeurs, des commandants, des branches et des sous-branches, et c’est pourri de scribes, de plantons et d’ordonnances, et tout l’bazar à la voile. Tu vois d’ici au milieu d’quoi s’trouve un général commandant de Corps ! » À ce moment, nous fûmes environnés par un groupe de soldats porteurs, en plus de leur harnachement, de caisses et de paquets ficelés dans du papier, qu’ils traînaient cahin-caha et posèrent à terre en faisant ouf. — C’est les secrétaires d’État-Major. Ils font partie du – du Quartier Général – c’est-à-dire de quelque chose comme la suite du Général. Ils trimbalent, quand ils déménagent, leurs caisses d’archives, leurs tables, leurs registres et toutes les petites saletés qu’il leur faut pour leurs écritures. Tiens, tu vois, ça, c’est une machine à écrire que ces deux-là – ce vieux papa et c’petit boudin – emportent, la poignée enfilée dans un fusil. Ils sont en trois bureaux, et il y a aussi la Section du Courrier, la Chancellerie, la – Section Topographique du Corps d’Armée – qui distribue 120 les cartes aux divisions et fait des cartes et des plans, d’après les aéros, les observateurs et les prisonniers. C’est les officiers de tous les bureaux qui, sous les ordres d’un sous-chef et d’un chef – deux colons – forment l’État-Major du Mais le proprement dit, qui comprend aussi des ordonnances, des cuisiniers, des magasiniers, des ouvriers, des électriciens, des gendarmes, et les cavaliers de l’Escorte, est commandé par un commandant ». Des hommes essaient de faire monter une voiture sur un wagon. L’un d’entre eux bouscule Barque. On gêne partout 121. Les hommes commentent ces événements. On se tait et alors on entend Cocon qui dit — Pour voir passer toute l’armée française qui tient les lignes – je ne parle pas de c’qui est installé en arrière, où il y a deux fois plus d’hommes encore, et des services comme des ambulances qu’ont coûté 9 millions et qui vous évacuent des 7000 malades par jour – pour la voir passer dans des trains de soixante wagons qui se suivraient sans arrêt à un quart d’heure d’intervalle, il faudrait quarante jours et quarante nuits ». Les hommes se désintéressent de ces chiffres et suivent d’un œil larmoyant le train blindé qui passe 122. VIII. LA PERMISSION Eudore rentre de permission. Il rencontre un tringlot soldat du train puis quatre hommes qui reviennent de la corvée de vin 123. Ils lui demandent s’il a vu sa femme Mariette. Oui, mais une seule fois. Eudore raconte son histoire. Ils tiennent un estaminet dans une des quatre maisons de Villiers-l’Abbé. En vue de sa permission, Mariette avait demandé un laissez-passer, bien à l’avance, pour Mont-Saint-Eloi où habitent les parents d’Eudore. Mais la permission est arrivée plus tôt que prévue si bien qu’elle n’avait pas reçu le papier. Eudore a attendu chez ses parents et à la fin du sixième et dernier jour, il a reçu une lettre de Mariette, par l’intermédiaire du fils de Florence, pour le prévenir qu’elle n’avait pas encore le laissez-passer. Il a finalement décidé d’aller à Villiers-l’Abbé 124. Après une visite au maire, il s’est mis en route 125 d’abord en train puis à pied, sous la pluie qui tombait sans discontinuer depuis six jours. Il arrive à la station avec quatre autres permissionnaires. Ils passent devant la ferme des Alleux qui est la première maison. Détruite 126 comme la deuxième. Ils arrivent à celle d’Eudore et Mariette, la troisième. Eudore retrouve sa femme et il dit à ses camarades de rentrer. Ils ne pourront aller de nuit jusqu’à Vauvelles. Eudore propose alors de les accompagner jusqu’à la dernière maison, la ferme du Pendu 127. Mais un sous-officier de garde leur dit que la ferme est devenue un poste de police et qu’ils ont des prisonniers allemands. Ils doivent repartir. Eudore revient donc chez lui avec les permissionnaires. Ils voudraient bien dormir dans la cave mais elle est inondée et il n’y a pas de grenier. Ils s’apprêtent à partir 128. Il est neuf heures du soir. Eudore et Mariette les empêchent de s’en aller. Ils sont restés comme ça toute la nuit. Au matin 129, les premiers clients arrivent à l’estaminet pour boire un café. Mariette s’affaire à le préparer. Les permissionnaires dont un gros Macédonien viennent remercier Mariette et s’excuser du dérangement 130. Ils veulent payer le café mais Mariette leur offre. Ils s’en vont mais déjà un autre client arrive. Mariette a préparé un paquet pour Eudore un jambonneau, un litre de vin et du pain. — Pauv’ Mariette, soupire Eudore. Y avait quinze mois que je ne l’avais vue. Et quand est-ce que je la reverrai ! Et est-ce que je la reverrai ? » Eudore va partager ce colis avec ses camarades de l’escouade 131. IX. LA GRANDE COLÈRE Volpatte rentre de deux mois de convalescence, renfrogné. Ses camarades lui demandent de parler. Il ne veut rien dire. Après une mâtinée de terrassement, on se retrouve pour 132 le repas dans un boyau d’arrière. Pluie torrentielle. On mange debout. Barque et Blaire interrogent Volpatte qui finit par dire ce qu’il a sur le cœur il y a trop d’embusqués à l’arrière 133. Barque lui conseille de ne pas se soucier d’eux. Volpatte gronde — J’suis pas maboul tout à fait, et j’sais bien qu’des mecs de l’arrière, l’en faut. Qu’on aye besoin d’traîne-pattes, j’veux bien… Mais y en a trop, et ces trop-là, c’est toujours les mêmes, et pas les bons, voilà ! » Volpatte commence à expliquer. Tous les planqués bien au chaud qu’il a vus dans le premier patelin où on l’a envoyé et qui diront ensuite qu’ils ont été à la guerre Ah ! mon vieux, ruminait notre camarade, tous ces mecs qui baguenaudent et qui papelardent là-dedans, astiqués, avec des kébrocs et des paletots d’officiers, des bottines – qui marquent mal, quoi – et qui mangent du fin, s’mettent, quand ça veut, un cintième de casse-pattes dans l’cornet, s’lavent plutôt deux fois qu’une, vont à la messe, n’défument pas et l’soir s’empaillent dans la plume en lisant sur le journal. Et ça dira, après J’suis t’été à la guerre. » Une chose a frappé Volpatte ces planqués-là s’installent à leur aise chez les gens au lieu de manger sur le pouce comme les soldats 134. Tant mieux pour eux », dit le voisin de Volpatte qui n’est pas content de cette remarque. Le voisin lui dit qu’il voudrait bien être à leur place. — Pour sûr, mais qu’est-ce que ça prouve, face de fesse ? D’abord, nous, on a été au danger et ce s’rait bien not’ tour. C’est toujours les mêmes, que j’te dis, et pis, pa’ce qu’y a là-d’dans des jeunes qu’est fort comme un bœuf, et balancé comme un lutteur, et pis pa’c’qu’y en a trop. Tu vois, c’est toujours trop » que j’dis, parce que c’est ça ». Le voisin cherche à provoquer Volpatte il faut bien que quelqu’un fasse marcher les affaires 135. Le temps se calme. Volpatte parle d’un gars qu’il a rencontré dans un hôpital d’évacuation et qui l’a guidé dans le dépôt pour lui montrer tout ce qui se passait. Mais lui n’est pas retourné aux tranchées comme Volpatte. L’lendemain, i’ s’était fait coller ordonnance, pour couper à un départ, vu qu’c’était son tour de partir depuis l’commencement d’la guerre ». Sur le pas de sa porte où il dormait dans un lit, il passait son temps à cirer les chaussures de son chef. Jamais, mon vieux, i’ n’avait été envoyé sur le front, quoique de la classe 3 et un costaud bougre, tu sais. L’danger, la fatigue, la mocherie de la guerre, c’était pas pour lui, pour les autres, oui. I’ savait que si i’ mettait l’pied sur la ligne de feu, la ligne prendrait toute la bête, aussi i’ coulait de toutes les pattes pour rester sur place. On 136 avait essayé de tous les moyens pour le posséder, mais c’était pas vrai, il avait glissé des pinces de tous les capitaines, de tous les colonels, de tous les majors, qui s’étaient pourtant bougrement foutus en colère contre lui. I’ m’racontait ça. Comment qu’i’ f’sait ? I’ s’laissait tomber assis. I’ prenait un air con. I’ faisait l’saucisson. I’ d’venait comme un paquet de linge sale. J’ai comme une espèce de fatigue générale », qu’i’ chialait. On savait pas comment l’prendre et, au bout d’un temps, on le laissait tomber, i’ s’faisait vomir par tout un chacun. V’là. I’ changeait sa manière aussi suivant les circonstances, tu saisis ? Qué’qu’fois, l’pied y faisait mal, dont i’ savait salement bien s’servir. Et pis, i’ s’arrangeait, l’était au courant des binaises, savait toutes les occases. Tu parles d’un mecton qui connaissait les heures des trains ! Tu l’voyais s’rentrer en s’glissant en douce dans un groupe du dépôt où c’était l’filon, et y rester, toujours en douce poil-poil, et même, i’ s’donnait beaucoup d’mal pour que les copains ayent besoin de lui. I’ s’levait à des trois heures du matin pour faire le jus, allait chercher de l’eau pendant que les autres bouffaient ; enfin quoi, partout où i’ s’était faufilé, il arrivait à être d’la famille, c’pauv’ type, c’te charogne ! Il en mettait pour ne pas en mettre. I’ m’faisait l’effet d’un mec qu’aurait gagné honnêtement cent balles avec le travail et l’emmerdement qu’il apporte à fabriquer un faux billet de cinquante. Mais voilà I’ raboulera sa peau, çui-là. Au front, i’ s’rait emporté dans l’mouvement, mais pas si bête ! I’ s’fout d’ceux qui prennent la bourre sur la terre, et i’ s’foutra d’eux plus encore quand i’s seront d’ssous. Quand i’s auront fini tous de s’battre, i’ r’viendra chez lui. I’ dira à ses amis et connaissances Me v’là sain t’et sauf », et ses copains s’ront contents, parce que c’est un bon type, avec des magnes gentilles, tout saligaud qu’il est, et – c’est bête comme tout – mais c’t’enfant d’vermine-là, tu l’gobes ». Il y en a beaucoup comme lui dans chaque dépôt, ajoute Volpatte 137. C’est pas nouveau, ajoute Barque. Mais Volpatte n’en revient pas d’avoir vu autant de gens dans les bureaux. — Y a les bureaux ! ajouta Volpatte, lancé dans son récit de voyage. Y en a des maisons entières, des rues, des quartiers. J’ai vu que mon tout petit coin de l’arrière, un point, et j’en ai plein la vue. Non, j’n’aurais pas cru qu’pendant la guerre y avait tant d’hommes sur des chaises … » La pluie s’arrête. On se met en marche. On entend encore le bruit de Volpatte dans le bruit des pas. Il en veut maintenant aux gendarmes. Plus on s’éloigne du front, plus on en voit. Tulacque lui aussi a une rancune contre eux. Ils embêtent les gars qui essaient de se débrouiller. Un gars essaie de les défendre 138 mais Tulacque et Volpatte insistent. Volpatte précise que certains gendarmes pestent contre les règlements qui changent sans arrêt T’nez, le service prévôtal ; eh bien, vous apprenez c’qui fait le principal chapitre de la chose, après c’n’est plus ça. Ah ! quand cette guerre s’ra-t-elle finie ? » qu’i’ disait. — I’s font ce qu’on leur dit de faire, ces gens, hasarda Eudore. — Bien sûr. C’est pas d’leur faute, en somme. N’empêche que ces soldats de profession, pensionnés, médaillés – alors que nous, on est qu’des civils – auront eu une drôle de façon de faire la guerre ». Volpatte évoque un forestier qui se plaignait du traitement que leur réservaient les civils alors qu’ils avaient fait quatre ans de service Dans les on nous fait nettoyer, et enlever les ordures. Les civils voient c’traitement qu’on nous inflige et nous dédaignent. Et si tu as l’air de rouspéter, c’est tout juste si on n’parle pas de t’envoyer aux tranchées, comme les fantassins ! Qu’est-ce que devient notre prestige ! Quand nous serons de retour dans les communes, comme gardes, après la guerre – si on en revient, de la guerre – les gens, dans les communes et les forêts, diront Ah ! c’est vous que vous décrottiez les rues à X… ? » 139 Lamuse a vu un gendarme qui était juste mais qui a reconnu que certains abusaient de leur pouvoir. Un jour, Paradis a pris un gendarme pour un sous-lieutenant. Un peu plus tard, alors qu’ils sont assis le long d’un mur, Volpatte continue son déballage. Il était dans le bureau de la comptabilité au Dépôt. Il avait fait une demande pour être reversé dans son régiment. Il tombe sur un sergent 140 en train d’engueuler un scribe pour des histoires de procédure. Il attend la fin de l’engueulade et le sergent lui dit qu’il n’a pas de temps. Il est dans tous ses états à cause de sa machine à écrire. Puis il s’en prend à quelqu’un d’autre pour une histoire de bordereau de cartes. A coté, un autre s’occupe des circulaires. D’autres causent. Au bout de la grande table un homme 141 chargé des permissions se retrouve sans rien à faire depuis que la grande attaque a commencé et que les permissions ont été suspendues. Il y a encore beaucoup d’autres tables dans d’autres salles. Tulacque évoque le cas d’un chauffeur bien habillé et galonné appuyé sur une voiture. Tout le monde a son couplet sur les filoneurs ». Les exemples … planton au Service Routier, pis à la Manute, pis cycliste au ravitaillement du XIe Groupe, porteur de pli au Service de l’Intendance, au Canevas du Tir, à l’Équipage des Ponts, et le soir à l’ et à l’ ordonnance que les femmes 142 prenaient pour des soldats, un autre qui a fait une tournée d’conférences en Amérique avec mission du ministre.

un tirailleur en enfer résumé de chaque chapitre